Le Temps, en s’évaporant - Jean-Claude Dunyach

jeudi 7 avril 2011

Receuil de nouvelles publié chez L'Atalante en 2005

J'ai découvert ce recueil un peu par hasard, puisque c'est mon gentil libraire qui me l'a mis entre les mains, en me recommandant cet auteur que je ne connaissais jusqu'ici que de nom. Ce qu'il a omis de me préciser, le fourbe, c'est que c'est là le 5è recueil de nouvelles publié chez l'Atalante par Jean-Claude Dunyach (JCD), sur un total de 6. Alors ça n'est pas bien grave, puisque ceux-ci ne se suivent pas chronologiquement d'une quelconque manière. Mais si quand même, c'est grave, puisque je dois maintenant me retenir pour ne pas courir lui acheter les 5 autres recueils (comme quoi, il est malin, n'est ce pas?), qui ne sont quand même pas donnés. C'est d'ailleurs le seul reproche que je puisse faire à cet ouvrage : l'édition est d'une superbe qualité, mais quand même, 8 euros pour un peu plus de 100 pages, ça fait cher, moi qui suis habitué aux livres de poches (oui, j'achète de la littérature au kilo SI JE VEUX, d'abord).

Mettons de côté ces considérations bassement financières, et concentrons nous sur le contenu.
Le temps, en s'évaporant (qui donne son nom au recueil) imagine une ville située dans une vallée immergée dans ce qu'il reste du temps, dont le niveau baisse petit à petit à mesure qu'il s'évapore. Déroutant, mais intéressant. Le jour où Orson Welles a vraiment sauvé le monde est une nouvelle humoristique qui révèle les coulisses des débuts d'Hollywood à travers une théorie du complot originale. Je n'en dis pas plus sur la fin, qui est assez bien vue. Des raisons de revenir est une nouvelle à twist, racontant sur un ton mélancolique l'histoire d'un homme revenant dans la maison de son enfance après s'être séparé de sa femme. De nouveau la chute m'a beaucoup plu. Dans Le client est roi, JCD s'amuse avec les poncifs de la fantasy en les utilisant pour parodier le monde de l'entreprise. On y apprend aussi comment Peter Jackson aurait tourné Le Seigneur des Anneaux. J'ai peur d'être passé un peu à côté d'Oiseaux, une histoire ou un magicien revient dans un étrange village à moitié abandonné et qui m'a laissé de marbre. L'âge d'or du réel narre le combat entre deux IA au crépuscule de l'univers, avec des références théologiques intrigantes. Le lapin sous la pluie livre en moins de deux pages (!) un récit poignant sur la prise de conscience de notre mortalité. Finalement, Un voeu pour la fey raconte l'histoire d'un esprit de la forêt qui capture un jeune bûcheron en lui demandant un baiser d'amour contre sa liberté. Une vision fraîche et très belle, à défaut d'être particulièrement originale, de ce vieux conte protéiforme.  

Alors, c'est peut-être un peu bateau de le dire, mais JCD écrit bien. Les mots touchent juste, émouvant ou faisant sourire selon la situation. C'est d'ailleurs ce qui ressort de façon marquante de ce recueil : on passe alternativement d'ambiances mélancoliques au pastiche le plus drolatique, et l'auteur semble tout aussi à l'aise sur ces différents registres. Notons aussi que JCD ne se cantonne pas à un genre en particulier : il joue avec les cadres et leurs codes, de nouveau avec une facilité déconcertante.
Une bonne lecture, donc. Je suis impatient de découvrir d'autres ouvrages de cet auteur ; pour ceux qui sont familiers avec son oeuvre, vous auriez des conseils particuliers? Sinon, je ne pense pas prendre trop de risque en tapant dans les autres recueils de nouvelles (quand j'aurai un peu plus de sous dans ma tirelire, parce que quand même).

CITRIQ

3 commentaires:

Vert a dit…

Tiens j'ai pas lu celui-là, mais j'ai lu 3 de ses autres recueils de nouvelles et ils sont tout à fait recommandables. Je me rappelle surtout de Déchiffrer la trame (première nouvelle du recueil éponyme) qui m'avait beaucoup marqué

Jean-Claude Dunyach a dit…

Et pendant que tu lisais celui-là, l'Atalante publiait le septième de la série (qui s'appelle "Les harmoniques célestes"). La vie du critique est un éternel recommencement :-)
En tout cas, ta critique m'a fait chaud au coeur... Merci tout plein !

Maëlig a dit…

Noté, et noté. Mon portefeuille ne vous dit pas merci (à 10 euros le recueil, je pense que l'Atalante a bien compris le concept de clientèle captive), mais moi si. Je vais prendre mon temps pour savourer ça. :)

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