Mutafukaz - Run

lundi 16 mai 2011



Série BD publiée de 2006 à 2010 aux éditions Ankama


Comme d'hab, j'arrive après la bataille. C'est que Mutafukaz a créé un vrai petit phénomène à sa sortie... il y a 5 ans (pour le 1er tome). Une vraie success-story éditoriale comme on aimerait en voir plus souvent. Tout commence avec un court métrage réalisé en 2002 par Run (avec l'aide de quelques modélisateurs 3D), alors un parfait inconnu. Celui-ci rencontre un franc succès, et Run a alors l'idée d'en tirer un projet BD. Après avoir essuyé de nombreux refus, Ankama qui se lance justement à ce moment là dans l'édition accepte de signer pour ce projet atypique. J'en profite au passage pour dire que si je me situe en général assez loin de leur ligne éditoriale (quoique, ils se sont pas mal diversifié ces dernières années), j'apprécie beaucoup l'initiative et les risques que n'hésite pas à prendre cette jeune maison d'édition, qui a d'ailleurs participé à la redynamisation générale de l'édition BD en France ces dernières années. Voilà, c'est dit. Mutafukaz donc, rencontre un succès immédiat et la série cumule aujourd'hui plus de 30k ventes, ce qui est assez énorme pour un tel projet partit de zéro. Depuis, Run est devenu directeur artistique de la collection Label 619 chez Ankama, qui a notamment réédité l'excellent Tank Girl (il était temps). Vous comprenez maintenant pourquoi je me suis penché sur cette série avec beaucoup d'attention et d'attentes.
(Ange)lino (à gauche) et Vinz (à droite)


C'est l'histoire de deux jeunes loosers, Angelino et Vinz, qui habitent un apart crasseux d'une banlieue américaine mal famée. Leur vie va basculer le jour où Angelino, livreur de pizzas, a un accident de scooter et en ressort miraculeusement avec un simple mal de tête. A partir de ce moment, il devient parano puisqu'il semble être le seul à voir les ombres menaçantes attachées à certaines personnes et est persuadé que de drôles d'hommes en noir sont à sa poursuite. Autant le dire tout de suite : tout ça n'est qu'un prétexte pour une histoire qui va très vite s'emballer et foncer à cent à l'heure en nous mettant plein la vue jusqu'à son dénouement au bout du troisième tome. Le tome 0, paru entre le deuxième et le troisième, est une sorte de spin-off au style graphique bien à part et qui raconte les origines de l'histoire, dans une ambiance beaucoup plus uchronique. Au cours de la série, on va notamment croiser une armée de cafards affamés, des catcheurs de la lucha libre, des nazis qui vont sur la lune et une mante religieuse géante.


Les sauveurs de l'humanité

Graphiquement, on est plus que comblé. Run est un dessinateur génial, chaque page est un délice pour les mirettes. Pas que le trait soit particulièrement joli, mais le style se renouvelle sans cesse, alternant entre la BD classique, le comic, le manga, alternant régulièrement à l'intérieur d'un même tome. Il y a même un passage en 3D dans le tome 0 (les lunettes sont fournies avec) (bon après c'est comme au cinéma, moi je trouve ça très gadget, mais l'idée est amusante). On sent que Run s'éclate, et il nous fait partager son plaisir. C'est bourré de références visuelles à la culture urbaine américaine (on comprend sans peine que l'idée de la BD lui est venue après un road trip dans le sud des USA) et de clins d'oeil aux vieux pulps et comic books. Vous remarquerez d'ailleurs que sur chaque tome est apposé un petit logo "DISapproved by the Comics Code Authority". Mais ce que j'ai préféré, c'est les bons à découper et les pubs pleine page qui parsèment chaque tome, à la manière des vieux trade paperbacks :


Retour en enfance, avec les avion en frigolite à lancer (cliquez pour élargir)

Tout bon héros a sa gamme de produits dérivés débiles (cliquez pour élargir)

Tout n'est pas rose cependant, et quitte à me faire huer par son armée de fans (je n'ai pas lu une seule critique négative sur la BD), je dois dire que je me suis ennuyé par moments. L'histoire se traîne un peu, on ne voit pas très bien où ça veut en venir, puis à un moment tout se décoince et c'est finit en quelques pages. Le tome 0 est plus intéressant de ce côté là et nous aide à mieux comprendre certains trous dans la série principale, mais de nouveau certaines pistes ne sont pas exploitées à fond et l'ensemble laisse un certain goût d'inachevé. En fait, la série souffre à mon avis de ses points forts : l’expérimentation graphique y tient une place tellement importante qu'elle a tendance à reléguer tout le reste au second plan. Run est avant tout un (bon) graphiste, et il aurait bénéficié à mon sens de travailler en collaboration avec un vrai scénariste.

Mettez votre cerveau de côté un instant, et profitez de la vue (cliquez pour élargir)

Alors voilà, je me suis bien amusé en lisant cette série complètement déjantée au style expérimental et décalé. Mais c'est "tout" (c'est déjà pas mal me direz-vous). Au risque de passer pour un connard pédant (j'assume), je recherche autre chose dans mes lectures BD qu'un simple exercice de forme, aussi réussi puisse-t-il être (et il l'est). Reste un récit survitaminé, mais pour ma part l'action pour l'action ça m'ennuie vite. Et en dehors du "méta-humour" en clin d'oeil à la culture populaire, je n'ai pas trouvé la série particulièrement drôle, alors que ça aurait pu compenser le scénario un peu faiblard. Dans la veine trash-violent-déjanté, j'ai largement préféré le premier tome de Monkey Bizness, paru justement dans la collection dirigée par Run, et qui pour le coup m'a franchement fait rire. Si vous êtes passionné de graphisme et que vous aimez le mélange des genres foncez, sinon faites comme moi si possible, empruntez-le. La lecture vaut tout de même le coup à mon avis, ne serait-ce que pour l'originalité de l'oeuvre.

CITRIQ

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