World War Z - Max Brooks

mardi 3 mai 2011
Roman publié en 2006 aux éditions Duckworth (traduit en français sous le même titre)

Décidément, il y a du talent dans la famille Brooks, à croire que c'est héréditaire (ça n'est pas Marine qui me contredira). Mais si, souvenez-vous, papa Brooks a réalisé toute une série de parodies d'histoires populaires au cinéma, dont les excellents Young Frankenstein (bien envie de le revoir tiens, maintenant que j'ai lu l'oeuvre d'origine) et Blazing Saddles. Ne vous y trompez pas cependant : World War Z (WWZ) n'a rien d'une parodie de zombies comme il en existe tant, et qui rivalisent souvent de médiocrité. Max Brooks aborde cette thématique d'un point de vue on ne peut plus sérieux et exploite avant tout sa portée dramatique, ce qui rappelle inévitablement les films de Romero.

Vous me direz que du zombie, vous en avez déjà bouffé à la pelle et qu'à force vous avez les dents du fond qui baignent. Je vous comprends. Mais WWZ, ça n'est pas une histoire de zombies comme les autres. L'originalité tient ici au fait que l'histoire est relatée du point du vue mondial : on suit l'apparition de l'endémie, puis sa transformation rapide en pandémie et la crise mondiale qu'elle va engendrer, mettant en péril jusqu'à la survie de l'humanité. Pour réaliser ce tour de force, la structure du livre prend une forme assez peu orthodoxe : il s'agit en réalité d'un recueil de témoignages, donnant le point de vue et l’expérience de la crise d'un grand éventail de personnes de diverses horizons. C'est assez déroutant puisqu'on saute toutes les quelques pages d'un personnage à l'autre, sans vraiment avoir le temps de s'attacher à aucun d'entre eux. Mais c'est particulièrement adapté au récit, puisque ces différents éclairages sur des évènements qui se complètent et se recoupent donnent une compréhension véritablement globale de la crise. J'ai beaucoup aimé cette construction narrative, qui fait participer le lecteur en l'obligeant à reconstruire lui-même le puzzle à partir des pièces éparpillées. Précisons également que l'histoire est raconté après la catastrophe, alors que ce qu'il reste de l'humanité a réussi à stabiliser la situation et commence tout doucement à se remettre sur pied, dans un monde qui a été intégralement dévasté en moins d'une décennie. Ça tue dans l'oeuf tout suspens qui aurait pu y avoir sur l'issue de la crise, mais au final ça n'est pas plus mal puisque ça permet au lecteur de se concentrer sur ce qui compte vraiment.

Les zombies sont ici un simple prétexte pour décrire une humanité au bord du gouffre. Ça aurait aussi bien pu être une catastrophe nucléaire, ou la chute d'une météorite géante, peu importe. Car l'essentiel n'est pas dans la figure du zombie (comme toutes les bonnes oeuvres exploitant ce thème l'ont compris), mais dans les réactions des hommes face à l'horreur et à la mort : la leur, celle de leurs proches, celle de l'espèce toute entière.
Brooks nous fourre le nez dans les aspects les plus sombres de la nature humaine, qui ressortent inévitablement quand on gratte un peu le vernis de la civilisation. Comment réagirez-vous quand ce voisin à qui vous dites bonjour tous les matins en allant chercher le pain et qui vous offre chaque automne des légumes de son potager viendra arracher vos barricades à coups de hache?
Brooks expose toute la bêtise humaine et l'artificialité de nos sociétés : alors que les zombies sont à leurs portes, certains préfèrent s'accrocher à leurs écrans plats à $2000 plutôt que prendre la fuite. Et les compétences de survie les plus élémentaires comme celle d'allumer un feu font défaut à la plupart des fuyards. 
Enfin, Brooks prend un plaisir sadique à montrer tout le cynisme dont peuvent faire preuve les opportunistes de tout poil, qui exploitent le désespoir des survivants et continuent d'accumuler les richesses, dans un monde où celles-ci ont pourtant perdu toute utilité.

Le tout est raconté avec un parfait réalisme, rendant l'histoire terriblement crédible, à en faire régulièrement froid dans le dos. Chaque personne interviewé a sa propre personnalité, et les spécificités culturelles d'avant la guerre sont très bien rendues. A ce sujet je regrette simplement (et c'est bien la seule critique que je puisse faire au livre) que Brooks se concentre principalement sur l'Amérique du Nord et l'Asie, qui sont manifestement les cultures qu'il connait le mieux. Notons également par soucis d'objectivité que l'histoire s’essouffle un peu vers la fin, même si pour ma part je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer.

Non, ce livre ne plaira pas à tout le monde. Sa structure narrative particulière et son approche hyper-réaliste pourra décourager certains lecteurs. Mais son regard acerbe et cynique sur une humanité au bord du gouffre mérite à mon avis le détour. Pour ma part je me suis régalé.

Coup de coeur

Lu dans le cadre du Cercle d'Atuan.

Lu dans le cadre du challenge fins du monde


CITRIQ

Ils en parlent : AruthaIluze

8 commentaires:

Guillaume44 a dit…

C'est du bon, je confirme.

Cachou a dit…

En fait, ton enthousiasme de la fin correspond exactement à mon enthousiasme du début que j'aurais tellement tellement voulu conserver tout du long...

Vert a dit…

Pareil que Cachou, très bonne idée à la base mais on finit par tourner en rond...

Tigger Lilly a dit…

Je suis attirée par ce livre à cause du mode narratif.

A.C. de Haenne a dit…

Je suis en train de le lire, alors je reviendrai lire ta chronique dès que je l'aurai fini...

A.C.

Maëlig a dit…

@A.C. J'attends ta chronique!

@Tigger Lilly Ah oui tiens tu n'as pas participé à la lecture du mois? Le mode de narration peut rebuter pas mal de monde je pense, mais comme je l'ai expliqué pour moi c'est vraiment un plus ici.

Val a dit…

Hum je suis en train de le lire. Le talent est là mais je commence à m'ennuyer...c'est grave docteur ?

Maëlig a dit…

Oui pas mal de personnes ont apparemment eu du mal à le terminer, pour ma part je n'ai pas ressenti cette lassitude. Pas de grand twist final ceci dit, donc ne te force pas à aller jusqu'au bout.

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