Ainsi naissent les fantômes - Lisa Tuttle

dimanche 31 juillet 2011
Recueil de nouvelles publié en 2011 aux éditions Dystopia

Je n'ai pas trop eu l'occasion de poster récemment, la faute à des vacances sans connexion internet. Ca fait du bien de débrancher un peu de temps en temps. Par contre du coup j'ai eu plus de temps pour lire, et j'ai pris pas mal de retard dans mes chroniques. Voici donc un livre que j'ai terminé il y a déjà plusieurs semaines, mais qui m'a suffisamment plu pour que je m'en souvienne encore bien.

C'est le deuxième livre publié par les éditions Dystopia, après Bara Yogoï que je n'ai pas eu l'occasion de lire mais dont j'avais déjà entendu le plus grand bien. En même temps vu le copinage abondant dans le petit monde de l'édition SFFFF, il est souvent difficile d'avoir des avis objectifs sur ce genre d'ouvrages. C'est pourquoi j'ai généralement tendance à m'en tenir à l'écart, mais cette fois ci je me suis laissé tenter (la faute à Lhisbei, Gromovar et Efelle). Et grand bien m'en a pris!

On a là une sélection de six nouvelles de Lisa Tuttle (auteur américaine dont j'ignorais jusqu'au nom), choisies et traduites par Mélanie Fazi (dont j'avoue méconnaître aussi totalement l'oeuvre, décidément). Je ne sais pas si c'est dû à la sélection ou si toute l'oeuvre de Tuttle est centrée sur ces sujets, mais il y a clairement une cohérence de thèmes entre les différentes nouvelles. Sexe (ça devrait figurer en lettres capitales sur la couverture, parait que ça fait vendre), amour, grossesse (thématique centrale à deux des nouvelles) et maternité sont ici les maîtres mots. Pour autant, l'ouvrage n'a rien d'un pamphlet féministe ni ne cherche à toucher exclusivement un public féminin. La façon d'aborder ces thèmes les rend universels : il s'agit de confronter ses peurs et angoisses enfouies, ses "fantômes" personnels. Par moments, on se demande même si on est vraiment dans du fantastique "pur et dur" ou si on ne serait pas plutôt les témoins des hallucinations de la protagoniste principale et de la progression de sa folie. Cet espèce d'entre-deux nous plonge directement dans la tête des personnages et fait écho à nos propres obsessions et psychoses. Plutôt que de parler de chaque nouvelle séparément (et parce que j'avoue avoir un peu oublié celles qui m'ont le moins marquées), voici une sélection de mes préférées :

On commence fort avec Rêves captifs, qui relate l’expérience traumatique que constitue un enlèvement et une séquestration. J'ai trouvé le ton extrêmement juste (ce qui n'est pas évident quand on traite d'un sujet aussi sérieux et "chargé"), et l'histoire absolument glaçante.

Dans L'heure en plus, une mère de famille ne trouvant plus le temps d'écrire va voir apparaître une nouvelle pièce dans sa maison, à laquelle elle seule peut accéder. A l'intérieur de celle-ci, le temps semble s'écouler différemment, ce qui lui permet d'écrire à sa guise. Mais on ne peut pas vivre éternellement entre deux mondes, et elle va devoir faire un choix. Le final est troublant et laisse un petit goût d'amertume.

Ma pathologie est surement la nouvelle que j'ai préféré du recueil. Ca commence le plus simplement du monde, avec une rencontre entre deux amants et la grossesse de la protagoniste principale. Et puis on bascule dans l'horreur, mêlée d'hubris et d'amour irraisonné. Ce texte m'a arraché plus d'un frisson, je regrette juste qu'il se termine un peu abruptement.

Si les autres nouvelles m'ont moins marquées elles sont tout de même d'un bon niveau, puisque je ne me souviens pas m'être ennuyé une seule seconde à la lecture de ce recueil. Celui-ci se termine par une interview intéressante de Lisa Tuttle par Mélanie Fazzi. Un sans-faute, et une belle découverte donc. Ah et n'oublions pas la magnifique couverture que l'on doit à Stéphane Perger, jugez plutôt :

(cliquez pour élargir)

CITRIQ

5 commentaires:

Ashrack a dit…

Un très bon livre en effet.
Et comme tu as aimé, je te conseille de jeter un œil sur ce que fait Mélanie Fazi, ce n'est pas très éloignée. Il y a clairement une filiation entre les deux auteurs.

Par contre une petite erreur : c'est Stéphane Perger avec un P.

Maëlig a dit…

Merci, corrigé.
Tu conseilles un livre en particulier de Fazi?

Ashrack a dit…

Puisqu'elle est réputée pour ses nouvelles, autant que tu commences par là.
Après ses deux recueils (Serpentine et Notre-Dame-Aux-Écailles) sont assez similaires, tant sur les thèmes que sur la qualité globale, donc prend le premier que tu trouves ;) (même si moi j'ai une préférence pour Serpentine puisque c'est par là que j'ai commencé)

Cachou a dit…

Je m'étais fait la même réflexion que toi sur le côté "copinage" dans le milieu SFFF. Des fois, quand je lis du bien de tel ou tel auteur, de telle ou telle maison d'édition, je ne peux m'empêcher de me demander si c'est parce que le livre est si bien ou parce que l'auteur et la personne qui en parle se connaissent, s'apprécient, ont collaboré, etc. (c'est humain, même normal de vouloir dire du bien d'un livre auquel on croit. Parfois, on perd son objectivité quand on côtoie la personne à l'origine de l’œuvre ou qu'on a vu l’œuvre grandir et évoluer, même sans le vouloir ou sans le savoir). Ce n'est pas un mal en soi, au contraire, ça permet de faire vivre l'oeuvre, mais quand on est extérieur et qu'on a peu d'argent à dépenser en livres, c'est normal de se poser la question, non? ;-p

Bon, il serait temps que je m'y mette si je comprends bien... ^_^

Et pour Fazi, si ça t'intéresse, je participe à une lecture commune de "Notre-dame des Ecailles" avec Acr0, Efelle, Laure et Tortoise (pour le 15 août).

Maëlig a dit…

Oui on est bien d'accord là dessus. Mais en l’occurrence la réputation de ce bouquin n'est pas usurpée àmha.
Noté pour la LC, je ne sais pas encore si j'aurais le temps mais si oui je me joindrais à vous.

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