Perdido Street Station - China Miéville

mercredi 24 août 2011
Roman publié en 2000 chez Tor (traduit en français sous le même titre)

Qui l'eu crût (lustucru) (ahem)? J'ai lu un roman de fantasy. Ça faisait longtemps, tiens. Et non seulement je l'ai lu, mais en plus j'ai beaucoup aimé. Comme quoi, il ne faut jamais dire "fontaine, je ne boirai pas de ton eau". Bon, c'est vrai, j'étais un peu en terrain connu, ayant déjà lu et apprécié The Scar et The City & The City du très recommandable China Miéville. Une nouvelle réussite, donc. Oui, mais... Aïe, il y a toujours un "mais". A vrai dire, quand j'ai refermé la dernière page du bouquin, j'étais excité comme une puce de mer. Je pensais tenir là une petite merveille, LE bouquin que j'attendais depuis des années. Et même si c'est un vrai coup de coeur, maintenant que j'y re-réfléchis à tête reposée, je me dis que le roman n'est pas exempt de (petits) défauts, les mêmes qui m'avaient déjà dérangés dans The Scar. Je crache dans la soupe SI JE VEUX, d'abord.

Mais d'abord, un mot sur l'univers. Pour une fois, je m'abstiendrai de parler de l'intrigue, celle-ci étant au final assez secondaire (et d'un intérêt limité, mais on y reviendra) à mes yeux. Le véritable intérêt du livre, et son personnage principal, c'est cette ville qui en est au coeur : New Crobuzon. Miéville nous plonge dans ses dédales, à la découverte d'un univers radicalement autre, décrit avec une puissance évocatrice et une cohérence qui nous le rend absolument fascinant. On se surprend alors à trembler devant les corps massifs et épineux des cactae, ces espèces d'hommes-cactus au caractère taciturne. On est pris de fascination devant les sculptures khepri, que ces femmes à tête de scarabée construisent à partir de sécrétions corporelles qu'elles colorent en ingérant diverses baies. On ressent un profond respect pour la froide dignité des garuda, ces oiseaux de proie humanoïdes venant du désert Cymek et vivant en tribus nomades coupées de toute civilisation. On est dégoûté par les transformations malsaines qui ont été faites sur les récréés, qui comme leur nom l'indique sont des criminels dont la punition a été imprimée dans leur chair, les transformant ainsi en bêtes de foire ou en outils vivants.


J'ai trouvé que New Crobuzon rappellait furieusement Sigil du JdR Planescape (les portails et les factions en moins, mais tellement d'autres bizarreries en plus). Ce mélange d'émerveillement et de désespoir crasseux à chaque coin de rue, cette esthétique à la croisée du steampunk et du médiéval avec une touche de baroque, ce melting-pot de différentes races qui cohabitent tant bien que mal (la plupart du temps dans leurs ghettos respectifs), cette ville-organisme qui fourmille de détails surprenants et fascinants. Ça me fait d'ailleurs penser que l'univers de Bas-Lag ferait un merveilleux cadre pour un JdR (Miéville, si tu m'entends!).


Pendant les premières 400 pages du bouquin (ce qui doit correspondre au premier volume de l'édition française il me semble), il ne se passe pour ainsi dire pas grand chose. Les recherches d'Isaac, le protagoniste principal qui essaye de trouver un moyen de refaire voler un garuda à qui on a arraché les ailes, patinent. Ça peut sembler bizarre, mais c'est la partie que j'ai préféré. En effet, cela fournit un bon prétexte pour confronter les personnages à diverses situations et nous faire visiter les différents quartiers de la ville. On ne se lasse pas de découvrir les merveilles (un peu) et les horreurs (surtout) de New Crobuzon, et on sent que Miéville (et nous avec) se régale dans ses descriptions, extrêmement détaillées. Quand il lance enfin l'intrigue à proprement parler, on a presque l'impression que c'est à regret, comme s'il se pliait à la contrainte qui a fournit le prétexte à cette exploration. Oh, on ne s'ennuie pas pour autant, puisqu'on continue dans la deuxième partie à faire des découvertes surprenantes, et la plume de Miéville est toute aussi habile pour décrire les scènes d'action. Simplement, c'est un peu plus convenu. Et comme à chaque fois dans les histoires de Miéville, la fin déçoit un petit peu, non pas parce qu'elle serait plus mauvaise (ni meilleure à vrai dire) qu'une autre, mais parce qu'on sait qu'elle signifie la fin du voyage. Et dans ses histoires, c'est toujours le chemin qui compte, bien plus que l'arrivée.


Malheureusement, tous les éléments ne sont pas à mon sens exploités à leur plein potentiel. La plupart le sont, mais certains sont simplement évoqués et survolés un peu trop rapidement. D'un côté, il est indéniable que cela participe au sentiment de foisonnement et de densité de l'univers : Miéville lance des idées, pique notre curiosité en suggérant que l'univers est bien plus large et complexe que ce qui pourrait être décrit dans l'espace limité de """seulement""" 900 pages. Et ça fonctionne largement. Sauf que de temps en temps, cela donne un sentiment d'artificialité, comme si cette fenêtre vers l’extérieur n'était qu'un trompe l'oeil et que Miéville essayait surtout de nous en mettre plein la vue, faire dans le bizarre juste pour paraître bizarre, sans que cela ne "serve" à grand chose.

PSS n'est pas un livre parfait. Mais merde, c'est un livre d'une imagination et d'une puissance évocatrice rare. Le genre de truc à mettre entre les mains de tous les fatigués des poncifs de la fantasy "à l'ancienne", et qui prouve qu'il est encore possible de renouveler le genre et de fasciner les lecteurs en faisant quelque chose de radicalement différent. Rien que pour ça, c'est une lecture qui vaut le coup.

Coup de coeur


Lu dans le cadre d'une lecture commune avec LhisbeiEfelle et Shaya (moi, en retard?)


Lu dans le cadre du défi Steampunk


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Melancholia - Lars von Trier

mardi 23 août 2011
Film sortit en 2011

Je n'avais jamais vu de Lars von Tier avant celui-ci - j'avoue avoir été rebuté jusqu'ici par son image de cinéaste arty -, mais puisqu'il flirte avec la SF dans son dernier film, j'ai tenté le coup. Mettons les choses au clair tout de suite : la SF n'y est utilisée que comme outil scénaristique, un simple prétexte pour raconter une histoire, planter une ambiance. Elle n'influence pas vraiment le ton du film, qui relève beaucoup plus du drame intimisme à tendance onirique que d'une approche rationaliste et explicative que l'on pourrait attendre d'un tel pitch.

Est-ce un oiseau? Un avion? Non, c'est... Melancholia

Le pitch, donc (légers spoilers) : la planète Melancholia se rapproche dangereusement de la terre, mais la plupart des scientifiques pensent que la collision sera évitée. Malgré tout, les deux soeurs Justine (Kirsten Dunst) et Claire (Charlotte Gainsbourg) commencent à ressentir que ça ne sera peut-être pas le cas, et réagissent respectivement par la dépression et la panique. Le film est divisé en trois partie : une sorte de prologue constitué de scènes tournées au ralentit et extraites du reste du film, la première partie centrée sur Justine où l'on assiste à son mariage qui va tourner au fiasco, et la seconde centrée sur Claire où celle-ci va prendre soin de sa soeur qui fait une grave dépression.

Être heureux (ou faire semblant), tant qu'il est encore temps

J'ai rarement vu d'oeuvre qui traite du thème de la mort de façon aussi brutale, directe, frontale. Et c'est très réussit. Tout au long de la première partie, un sentiment de malaise s'installe, qui va se transformer en peur dans la seconde. LA peur, la première et la dernière, la seule qui importe vraiment. Le film nous met à nu devant notre rapport à la mort, notre incapacité à la concevoir et à l'accepter. Il pointe du doigt les ridicules barrières que l'on s'efforce de construire entre elle et nous, ces rituels dont le but est de sacraliser la vie ou de lui donner un sens profond. Au final, celles-ci se retrouvent balayés d'un simple revers de la main.

Le comportement de la mère, Gaby, souligne la futilité de ces rituels

Au service de ce propos, une esthétique particulière et un très bon jeu d'acteur, qui vont permettre d'installer l'ambiance lourde qui convient : ça n'était pas gagné d'avance! D'ailleurs à mon sens Charlotte Gainsbourg aurait tout autant mérité le prix de l'interprétation féminine que sa collègue Kirsten Dunst qui l'a remporté au festival de Cannes 2011, puisqu'elle joue ici son rôle de façon bouleversante, particulièrement à l'approche de la fin.

Justine sombre dans une profonde dépression

Si je suis ressortit soufflé de la salle de cinéma, c'est que la seconde partie et la fin sont vraiment très réussis. Par contre je n'ai pas du tout accroché au "prologue" que j'ai trouvé inutilement arty, voire prétentieux. Et la première partie tirait un peu trop en longueur à mon goût, et aurait pu je pense passer le relais un peu plus vite à la seconde. Tant qu'on est dans les sujets qui fâchent, un détail plus technique : je ne sais pas si c'est volontaire, mais l'image a tendance à "trembloter" tout au long du film : j'ai trouvé ça agaçant et fatiguant, même si on finit par s'y habituer. Dernière critique, plus personnelle cette fois : je regrette un peu qu'on n'ait pas vu une réaction plus forte, ou en tous cas plus notable de la part de l'enfant. Je pense que l'enfant (en général, pas celui du film) a une conscience particulièrement aiguë de la mort, et un mélange de peur/fascination vis-à-vis de celle-ci à la fois plus intense et fondamentalement différent de l'adulte. Je trouve ça un peu dommage de ne pas l'avoir montré ici.

Derniers spasmes

Ça fait pas mal de défauts, qui font de Melancholia un film que je qualifierais de bancal. Mais cela n'est pas rédhibitoire, puisqu'il a tout de même réussi à me toucher et à me mettre profondément mal à l'aise (dans le bon sens du terme), comme je l'ai rarement été devant un écran. A noter que le film m'a rappelé par son thème et son ton ma BD préférée de l'année dernière, Château de sable.

Ils en parlent : Cachou, Lune libre au dessus de Chiba

Grandville - Bryan Talbot

jeudi 18 août 2011
Album BD paru en 2009 (traduit en français sous le même nom)

J'ai décidé de jeter un oeil à cette BD dont on a dit beaucoup de bien récemment dans la blogosphère. Et effectivement, il y a de quoi plaire : un décor steampunk / uchronique, des animaux anthropomorphisés au bagou indéniable, une intrigue avec un complot gigantesque, une aventure haute en couleur (au sens figuré comme au propre) et des références en pagaille (à commencer par le titre, qui est un hommage au caricaturiste du 19è, et la couverture qui n'est pas sans rappeler celle des éditions Hetzel de Jules Verne).

Plantons le décor : il y a deux cent ans, la Grande Bretagne a perdu les guerres napoléoniennes. Comme le reste de l'Europe, elle a été conquise par la France et comme il se doit la famille royale anglaise a été guillotinée (difficile alors de parler d'époque "victorienne", Victoria n'ayant jamais existé). La Grande Bretagne a fait partie de l'empire français, jusqu'à ce que quelques années avant le début du récit elle ait proclamée son indépendance suite à un soulèvement populaire et des attentats anarchistes qui ont donnés naissance à la République Socialiste de Bretagne (oui, rien que ça). Cet univers alléchant ne sert pas que comme arrière-fond de l'histoire : l'affaire qui semble au départ n'être qu'un vulgaire suicide (qui n'en est évidemment pas un) va remonter dans les plus hautes sphères de la politique française. C'est le blaireau et par ailleurs inspecteur de Scotland Yard LeBrock et son coéquipier Ratzi le rat qui vont mener cette enquête.

Dès qu'on parle d'inspecteur anthropomorphisé, difficile de ne pas penser au génialissime Blacksad. Et effectivement, LeBrock a ce petit côté "héros solitaire" (même s'il a un assistant) discret mais génial, même si à mon avis il n'atteint pas la classe de son collègue félin. On a un peu de mal à s'identifier à lui je trouve, d'une part parce qu'il est trop "parfait" (mais ça c'est le propre des héros), mais surtout parce qu'il n'hésite pas à avoir recours à la violence, y compris dans les situations où cela n'est absolument pas nécessaire. C'est un point (mineur) qui m'a un peu énervé dans la BD, et pourtant je ne pense pas être prude à ce niveau là. C'est juste que ça m'a parut vraiment gratuit.

L'histoire est un peu convenue mais joliment menée, avec des rebondissements qui font qu'on ne s'ennuie pas tout au long des 100 pages (tout de même). Par contre j'ai trouvé la chute en happy end peu crédible, petite déception de ce côté là. Mais c'est les détails qui ont vraiment vendu la BD à mes yeux : Talbot s'est amusé à glisser des clins d'oeil un peu partout, auxquels le lecteur attentif ne peut s'empêcher de sourire. C'est amusant d'ailleurs puisqu'il y a beaucoup de références que j'aurais tendance à considérer franco-françaises, j'imagine que ça ne doit quand même pas être évident pour un lecteur anglais (rappelons que la BD est initialement parue outre-manche) de reconnaître Spirou, Bécassine ou même Jean-Marie Le Pen (oui vous avez bien lu)! Sans oublier le détournement de tableaux célèbres. Plutôt osé de la part de l'auteur, du coup.

Côté dessin, je dois dire que je n'ai pas du tout accroché. C'est rare que ce soit le cas, puisque j'aime aussi bien des traits très simples comme celui de Trondheim que des choses un peu plus travaillées, l'essentiel étant que ça colle au style de l'histoire, et généralement une certaine alchimie opère. Sauf que là, j'ai trouvé les couleurs vraiment trop criardes, avec des effets photoshop un peu grossiers à mon goût. C'est vraiment une question de goût je précise, je ne prétends pas avoir la moindre objectivité en la matière. Après tout, le trait est plutôt soigné et a un certain style (que l'on pourrait qualifier de "naïf"). Le mieux est de s'en faire une idée soi-même :


Au final il y a trop de points négatifs au tableau pour que je puisse dire avoir adoré, mais j'ai quand même passé un bon moment. Ca n'est pas la BD de l'année, mais c'est du bon divertissement. A noter qu'une suite existe, "Grandville mon amour", et qu'un troisième tome est apparemment prévu.


Lu dans le cadre du défi steampunk

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The Godfather I, II, III - Francis Ford Coppola

mercredi 17 août 2011
Films sortis en 1972, 1974 et 1990

Récemment, j'ai eu la chance de revoir les trois The Godfather sur grand écran (les cinémathèques c'est le bien). J'ai sauté sur l'occasion, surtout que mon dernier (et premier) visionnage remontait déjà à quelques années, du temps où j'étais encore un boy scout en baskets qui trouvait ça cool les films où les gens disent "fuck" ou se réveillent avec une tête de cheval dans leurs draps (bon OK, ça ça reste assez cool). J'avais adoré ces films à l'époque, et je pense qu'ils ont beaucoup contribué à ma fascination pour les films de gangsters (à ce propos, ça m'a rappelé à quel point The Sopranos est bourré de références et clins d'oeil à The Godfather). Et de nouveau, j'ai été complètement séduit.

La petite surprise du matin

Est-il vraiment nécessaire de rappeler de quoi ça parle? A travers les trois films (dont le premier est l'adaptation d'un livre de Mario Puzo), Coppola retrace l'histoire de la famille des Corleone, depuis l'assassinat du père de Vito en Sicile et l'exil forcé de ce dernier vers l'Amérique en début de siècle (dans le 2è film), jusqu'aux efforts de son fils Michael pour faire passer les affaires de la famille dans la légalité quelque 70 ans plus tard (dans le 3è film).

Dans le troisième film, Michael n'est plus qu'un vieil homme fatigué qui cherche à se racheter une conscience

C'est donc toute l'histoire de la mafia italo-américaine qui nous est présentée ici, ce qui aurait pu donner à ces films un côté très documentaire. Ca n'est absolument pas le cas, puisqu'on plonge au contraire dans la vie de la famille des Corleone, pour lesquels on ne peut s'empêcher de développer une certaine empathie et une forme de respect, malgré toute l'horreur que nous inspirent leurs actes. Je pense en particulier au personnage de Michael joué (avec brio) par Al Pacino, le cadet de la famille qui au début du 1er film refuse de mettre les mains dans ses affaires frauduleuses, ce côté "vilain petit canard" nous le rendant immédiatement sympathique. Il va tout faire pour protéger son père, qu'on cherche à assassiner, jusqu'à se trahir lui-même. On assiste alors à la transformation d'un homme qui va prendre la tête de la famille et de ses affaires, perdant peu à peu toute la joie de vivre et la compassion qui l'habitait encore. Dans son aveuglement, en cherchant à protéger ceux qu'il aime, il va se retourner contre eux et les perdre définitivement.

Le deuxième film montre comment Vito est devenu le parrain, en prenant soin de sa communauté

Les deux premiers films m'ont plus marqué que le troisième, qui fournit un épilogue satisfaisant mais globalement un poil en dessous de l'ensemble. Je pense que c'est en partie à cause du casting, puisque là où Marlon Brandoe et Robert De Niro insufflent tout leur charisme et leur énergie dans les deux premiers films, il n'y a personne pour vraiment prendre le relais dans le troisième (sauf Al Pacino qui est toujours excellent). Et puis à vrai dire j'ai trouvé que Sofia Coppola jouait assez mal, malgré tout le respect que j'ai pour elle en tant que réalisatrice. Par ailleurs, je me rends compte que la plupart des scènes qui m'ont le plus marquées sont dans les deux premiers films (attention, spoilers!) : le coup de la tête de cheval, l'assassinat de Sollozzo et McCluskey par Michael, les assassinats des parrains de chaque famille new-yorkaise commandités par Michael et présentés en parallèle au baptême de son fils (à la fin du 1), la dispute entre Kay et Michael où celle-ci lui annonce que sa fausse-couche était en fait un avortement, l'assassinat de Fredo commandité par Michael.

Cerveau et spaghetti, l'assiette du chef

Bref, je me suis de nouveau régalé en regardant ces trois films qui n'ont décidément pas pris une ride, et dont les deux premiers sont je pense considérés à juste titre comme des chefs-d'oeuvre du cinéma.

Coup de coeur

Palimpseste - Charles Stross

jeudi 11 août 2011
Novella traduite de l'anglais, publié chez J'ai Lu en 2011

Désolé blog chéri, je t'ai négligé ces derniers temps, mais c'est pas ma faute tu vois, j'ai un alibi solide : une vie IRL. Et des fois, celle-ci a tendance à fâcheusement empiéter sur le temps que je te consacre. Saleté! Mais en attendant que je télécharge ma conscience sur support numérique, je dois faire avec.

Attiré comme le vulgaire chaland par la discrète bannière recouvrant la moitié du bouquin d'un alléchant "Prix Hugo 2010" et me souvenant avoir lu/entendu des trucs par ci par  à son sujet (si j'avais eu meilleure mémoire, je me serais aussi souvenu qu'on n'en disait pas que du bien), je me suis lancé dans cette lecture qui s'est révélée aussi courte que déroutante.

Mais avant d'en dire du mal, parlons tout de même un peu de l'histoire. Pierce est un nouvel agent de la Stasi Stase, une agence intertemporelle chargée de surveiller l'humanité (jusque là rien que du très classique), non pas pour la sauver (ah?), puisqu'elle est de toutes façons condamnée à s'éteindre rapidement (oh?), mais pour sélectionner régulièrement un petit échantillon d'humains qui serviront à "réensemencer" la terre une fois que toute vie aura disparu (ah!), encore et encore. Problème : l'intervention simultanée de plusieurs sources sur un même épisode historique crée des versions divergentes de ceux-ci, des palimpsestes, et c'est à cela même que Pierce va être confronté, lors de sa toute première mission en tant qu'agent fraîchement formé.

Un prémisse particulièrement alléchant, donc, puisque Stross traite ici d'un thème classique de la SF avec un twist intéressant et ouvrant de nombreuses possibilités. Mais passé cet enthousiasme du (tout) début, je me suis très vite ennuyé à la lecture de ce bouquin. Tout d'abord, parce que l'histoire est entrecoupée de descriptions très scientifiques sur la formation du système solaire, qui me sont passées complètement au dessus de la tête (et qui à vrai dire ne m'intéressent pas du tout). Heureusement celles-ci sont assez courtes, mais elles ont le défaut de casser le rythme d'un récit qui n'est déjà pas très facile à suivre à la base. C'est d'ailleurs un autre problème que j'ai eu face au bouquin : si les idées fusent et les différents concepts sont présentés avec une adresse indéniable, les descriptions plus terre à terre (notamment les scènes d'action) sont extrêmement brouillonnes et difficiles à suivre. Alors certes, ça n'est pas l'intérêt premier de l'histoire, mais ça m'a quand même dérangé. Pour finir ce réquisitoire accablant, j'ai trouvé les personnages assez creux et peu attachants. C'est d'autant plus dommage que les situations auxquelles ils sont confrontés auraient permis de creuser un peu ce côté là. Evidemment, en moins de 200 pages c'est difficile, et cette dimension passe du coup à peu la trappe. Tous ces éléments font qu'on a un récit certes rondement mené (considérant sa brièveté par rapport à son ambition, c'est même remarquable), mais qui m'a laissé absolument froid puisque je suis resté extérieur à l'histoire tout au long de ma lecture.

A réserver aux fans inconditionnels de Stross et/ou de hard SF à mon avis... En ce qui me concerne, c'est clairement pas ma came.

Coup de pied

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La critique (bien plus enthousiaste) d'Anudar

Le pouvoir des innocents, T1-5 - Luc Brunschwig et Laurent Hirn

lundi 1 août 2011
série BD complète parue entre 1992 et 2002 chez Delcourt

Je me suis fait avoir comme une vulgaire poiscaille. Ah, ils sont malins ces marketeux. Après m'avoir appâté avec le premier tome de Les enfants de Jessica, j'ai eu envie de découvrir la série originale. Alors évidemment, j'ai craqué. Et le pire, c'est que j'ai aimé ça. C'est partit pour la chronique d'un thriller politico-social de qualité.

Dans un New York de fin de millénaire où violence et corruption sont les maîtres mots, l'élection du prochain maire agite les foules. Mais derrière les caméras, une toute autre partie se joue, avec divers intérêts privés qui comptent bien s'arranger pour que leur champion termine la course en premier. Le maire sortant, un républicain corrompu, semble bien partit pour faire un second mandat. Mais ce serait oublier l'étoile montante, une certaine Jessica Ruppert. Celle-ci a consacré toute sa vie à venir en aide aux plus démunis, et les gens qui ont croisé son chemin ne sont pas prêt de l'oublier. Joshua, vétéran du Vietnam, va se retrouver un peu par hasard mêlé à des complots autour de cette élection, et c'est (principalement) à travers ses yeux que l'on va suivre l'histoire.

Vous vous en doutez, tout ça ne va pas être joli-joli. On est loin du hard boiled, mais le réalisme et le contraste avec les moments d'innocence et de bonté parsemés à travers l'histoire fait d'autant plus ressortir sa violence, tant physique que psychologique. Et pas toujours où on l'attend. Car mêmes les héros ont leur part sombre. Jusqu'où peut-on aller pour ses idées? Pour ceux qu'on aime? La fin justifie-t-elle les moyens? Autant de questions soulevées au cours du récit, et qui en font une lecture dérangeante. On aimerait pouvoir trancher, distinguer les méchants des gentils, mais comme dans la vie réelle, les choses sont souvent un peu plus compliquées.

J'ai trouvé le scénario très bien ficelé (avec quelques raccourcis ici ou là, mais rien de rédhibitoire). J'ai dévoré les cinq tomes sans m'arrêter et n'ai remarqué aucune longueur, ce qui n'était pas gagné d'avance étant donné la taille de l'oeuvre (5 x ~60 pages, tout de même) et le fait que je ne sois pas un grand amateur de thrillers en temps normal. Il y a pas mal de digressions sous la forme de flash-backs notamment mais au final ça apporte beaucoup à la narration et aide à construire des personnages intéressants et véritablement humains. L'histoire se tient bien à travers les cinq tomes, il n'y a rien de superflu ou d'éléments plaqués qui sembleraient avoir été rajoutés pour rallonger la sauce (si seulement on pouvait en dire autant de toutes les séries BD).

Côté graphique, rien d'exceptionnel. Le trait est classique voire un peu scolaire, mais au final sa sobriété et son réalisme colle assez bien à la narration. Quelque chose de trop original ou flashy l'aurait sans doute desservie. Pour la colorisation on voit bien qu'en 10 ans les techniques ont pas mal évoluées, et le premier tome fait un peu vieillot de ce côté là du coup, mais ça n'est pas particulièrement gênant pour la lecture.

Juste pour pinailler un petit peu, je dirais que sans tomber dans le sentimentalisme, la série n'échappe pas à quelques clichés. Et tant qu'on est dans les sujets qui fâchent, j'ai été un peu déçu par la fin, à la fois relativement prévisible et peu crédible àmha. Ces petits défauts font que je n'ai pas eu la claque que j'espérais, mais je ne suis pas déçu pour autant. Le pouvoir des innocents est un très bon thriller, avec une intrigue touffue et des personnages épais.

Une planche du premier et du dernier tome, pour se faire une idée

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