Elmer - Gerry Alanguilan

jeudi 8 septembre 2011
Album BD traduit de l'anglais, publié par Ça et Là en 2010

La mort de son père et la découverte du journal qu'il avait tenu tout au long de sa vie va provoquer quelque chose chez Jake Gallo, qui décide de partir sur ses pas pour chercher à comprendre ses propres origines. Il en tirera un livre, partageant ainsi avec le monde l’expérience traumatique d'un rescapé d'un génocide et de son intégration progressive à la société. Ah au fait, la famille Gallo sont des poulets. Oui, des poulets, vous avez bien lu. En 1979 a eu lieu l'Eveil, qui pour une raison inconnue (cela importe peu) a rendu conscients les poulets du monde entier.

Alors évidemment, quand votre futur repas est conscient de sa propre mort et vous supplie de l'épargner, ça vous coupe un peu l'appétit. Cet état de fait sera au départ complètement rejeté par les humains qui y verront les symptômes d'une nouvelle pandémie dont la seule façon de se débarrasser est d'abattre des élevages entiers (comme on a pu par exemple le faire avec la grippe aviaire), qui s'apparentent ainsi à de véritables camps de concentration. Peu à peu, quelques voix -- aussi bien humaines que poulets -- vont s'élever contre cette infamie et demander à ce que les poulets soient traités avec les mêmes égards que les humains, ce qui sera finalement le cas lorsque l'ONU décrétera que la déclaration universelle des droits de l'homme doit s'appliquer aux poulets. Pour autant, la bataille  pour l'égalité ne sera évidemment pas gagnée, puisque le racisme est persistent, d'un côté comme de l'autre.

Elmer est un récit poignant sur le thème du génocide, de la ségrégation raciale et des difficultés du pardon et de l'intégration en société. Le récit animalier permet à l'auteur d'aller extrêmement loin dans son propos, là où il aurait été délicat de parler sur ce ton d'un conflit réel. Les poulets, ce ne sont pas les juifs, les arméniens ou les rwandais : c'est tous les peuples qui ont été opprimés et ceux qui le seront encore. Pour autant, la BD ne se limite pas ici à un simple pamphlet dénonciateur : il s'agit avant tout de dresser le portrait d'une situation complexe et de ses conséquences sur des vies personnelles. C'est donc une très bonne exploration d'un "et si?". Malheureusement, il n'échappe pas à une petite dose de sentimentalisme et quelques clichés, qui m'ont empêché de rentrer à fond dans le récit. Mais il n'en reste pas moins fort bien construit, tant sur le fond que la forme.

Un mot sur le dessin, justement : le trait est très soigné, ce qui donne à la BD un côté réaliste. Il est amusant de noter que les poulets sont dessinés avec autant voire plus de soin que les humains, ce qui n'est évidemment pas innocent. Le tout en N&B, ce qui permet d'apprécier la pureté du dessin. Pour ma part, j'aime beaucoup.

Une petite planche VO pour vous faire une idée

Les premières 30 pages sont disponibles en VO ici, si vous voulez y jeter un oeil.


CITRIQ

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