Vingt mille lieues sous les mers - Jules Verne

mardi 13 septembre 2011
Roman originellement paru en 1869-70, ici l'édition Le Livre de Poche de 2001 

Il était plus que temps que je me mette un Verne sous la dent, en grand ignare que je suis. Alors tant qu'à faire, autant commencer par l'un des plus connus, choisi comme lecture commune du mois d’août du Cercle d'Atuan. Ça n'est pas une mauvaise chose de lire ce genre de classique (encore que celui-ci soit tout de même très accessible) en groupe, puisque qu'il y a toujours quelqu'un d'un peu mieux renseigné que vous (pas très dur dans mon cas) pour vous en apprendre un peu sur l'intertextualité de l'oeuvre, ce qui est toujours intéressant et éclairant.

Le père de la SF raconte ici comment le scientifique français Aronnax, son très fidèle compagnon Conseil et le harponneur canadien Ned Land (qui a un petit côté capitaine Haddock, mais ce serait plutôt l'inverse) vont être capturés par le capitaine Nemo. Celui-ci parcourt les sept mers à bord du Nautilus, un sous-marin dernier cri (enfin, pour l'époque) d'une rapidité et d'une résistance sans pareille. Ce prétexte va permettre d'explorer sous la forme de petits épisodes d'une dizaine de pages l'espace sous-marin qui recèle d'innombrables merveilles et dangers.

Bon, allons droit au but : je n'ai pas aimé. Sans pour autant détester, je me suis globalement ennuyé à la lecture de ce livre, à l'exception de quelques passages vraiment prenants (je pense notamment à la découverte de la forêt de l'île de Crespo, ou encore l'emprisonnement dans les glaces de l'Antarctique). Ce sentiment est sans doute en grande partie du à la structure par épisodes du livre, qui s'explique par sa publication initiale sous la forme de feuilletons. Du coup, ça fait très "découpé", on a un peu l'impression de passer du coq à l'âne toutes les dix pages. L'arc narratif chapeautant le tout est assez léger et sert clairement de prétexte à cette exploration sous-marine. Dito pour les personnages, qui s'ils ont une personnalité bien affirmée sont tout de même assez fins, là n'étant pas l'intérêt premier du roman. Par ailleurs, je trouve que la plume de Verne peut parfois être un peu lourde, particulièrement quand il se complaît dans des descriptions à rallonge autour de l'ichtyologie (l'étude des poissons). J'avoue que ça n'est pas ce qui m'excite le plus.

N'ayant pas lu de Verne jeune, je porte forcément un regard d'adulte sur ce livre, et je n'ai pas ce sentiment de tendre nostalgie que certains peuvent avoir vis-à-vis de ce roman populaire. Malgré tout cela, je suis tout de même content de l'avoir découvert, puisqu'il se laisse lire sans difficulté et avec un certain amusement, sans qu'il faille sans doute en attendre plus que ça.

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Lu dans le cadre du challenge Jules Verne

Atlas des brumes et des ombres - Patrick Marcel

vendredi 9 septembre 2011
Essai publié en 2002 chez Folio SF

Bizarrement, j'ai beau beaucoup aimer le fantastique en tant que genre littéraire, je me suis rendu compte que je le connaissais assez mal. Décidé d'y remédier un peu, je me suis attelé à la lecture de ce petit guide de lecture consacré à ce genre. Notons que le livre fait partie d'un cycle chez Folio SF, un ouvrage de ce genre ayant aussi été publié pour la SF, la fantasy et les "transfictions" (selon la formule de Francis Berthelot).

Le livre est divisé en deux parties. La première (70 pages) retrace l'histoire du fantastique, depuis ses origines dans la tradition païenne jusqu'à son relatif insuccès récent, en passant notamment par la période gothique, romantique, et les histoires de fantômes du XIXè. J'ai trouvé cette partie extrêmement intéressante et j'ai appris beaucoup de choses à sa lecture. Elle aurait même je pense méritée d'être un peu plus détaillée, bien que l'objet de ce livre soit avant tout de fournir une porte d'entrée accessible au genre, bien plus qu'un travail encyclopédique. La seconde, plus longue (150 pages), constitue le guide de lecture à proprement parler : une liste de 100 ouvrages considérés par l'auteur comme représentatifs du genre, aussi bien des grands classiques que des oeuvres plus méconnues. A noter que même pour les auteurs les plus réputés à la production abondante (je pense notamment à Poe, Borges, Lovecraft ou King), Patrick Marcel se limite ici à citer un ou deux de leurs ouvrages, ce qui au fond n'est pas plus mal puisque cela lui permet ainsi de parler d'autres auteurs qui gagnent à être connus. Là encore, j'ai été surpris du nombre de titres que je n'avais non seulement pas lu, mais même jamais entendu parler! En vrac, voici ceux que j'ai envie de découvrir (ayant mauvaise mémoire, il est possible que j'écorche un ou deux prénoms) :

Les livres de sang de Clément Barker
Le livre de sable de Jean-Louis Borges
La Foire des ténèbres et Le pays d'Octobre de Rachid Bradbury (déjà dans ma PàL)
Le Tour d'écrou d'Henrico James (dont j'avais déjà pu voir une adaptation en téléfilm)
Maison Hantée de Chantal Jackson
Salem de Steve King (déjà dans ma PàL)
Notre-Dame des ténèbres de Franky Leiber
Le Manitou de Grégoire Masterton
Anno Dracula de Kevin Newman
Malpertuis (déjà dans ma PàL) et Les Contes du whisky de Jeannot Ray
Le nid de Linsay Tuttle (dont j'ai déjà pu apprécier la plume)
Le Grand dieu Pan d'Armand Machen
Dracula de Brice Stoker (déjà dans ma PàL)
Le parfum de Paolo Süskind (déjà dans ma PàL)


Ouch. C'est le problème avec ce genre de bouquin : au lieu d'alléger ta PàL, il l'alourdit. J'ai du pain sur la planche!

CITRIQ
Elle en parle aussi : Tigger Lilly.

Elmer - Gerry Alanguilan

jeudi 8 septembre 2011
Album BD traduit de l'anglais, publié par Ça et Là en 2010

La mort de son père et la découverte du journal qu'il avait tenu tout au long de sa vie va provoquer quelque chose chez Jake Gallo, qui décide de partir sur ses pas pour chercher à comprendre ses propres origines. Il en tirera un livre, partageant ainsi avec le monde l’expérience traumatique d'un rescapé d'un génocide et de son intégration progressive à la société. Ah au fait, la famille Gallo sont des poulets. Oui, des poulets, vous avez bien lu. En 1979 a eu lieu l'Eveil, qui pour une raison inconnue (cela importe peu) a rendu conscients les poulets du monde entier.

Alors évidemment, quand votre futur repas est conscient de sa propre mort et vous supplie de l'épargner, ça vous coupe un peu l'appétit. Cet état de fait sera au départ complètement rejeté par les humains qui y verront les symptômes d'une nouvelle pandémie dont la seule façon de se débarrasser est d'abattre des élevages entiers (comme on a pu par exemple le faire avec la grippe aviaire), qui s'apparentent ainsi à de véritables camps de concentration. Peu à peu, quelques voix -- aussi bien humaines que poulets -- vont s'élever contre cette infamie et demander à ce que les poulets soient traités avec les mêmes égards que les humains, ce qui sera finalement le cas lorsque l'ONU décrétera que la déclaration universelle des droits de l'homme doit s'appliquer aux poulets. Pour autant, la bataille  pour l'égalité ne sera évidemment pas gagnée, puisque le racisme est persistent, d'un côté comme de l'autre.

Elmer est un récit poignant sur le thème du génocide, de la ségrégation raciale et des difficultés du pardon et de l'intégration en société. Le récit animalier permet à l'auteur d'aller extrêmement loin dans son propos, là où il aurait été délicat de parler sur ce ton d'un conflit réel. Les poulets, ce ne sont pas les juifs, les arméniens ou les rwandais : c'est tous les peuples qui ont été opprimés et ceux qui le seront encore. Pour autant, la BD ne se limite pas ici à un simple pamphlet dénonciateur : il s'agit avant tout de dresser le portrait d'une situation complexe et de ses conséquences sur des vies personnelles. C'est donc une très bonne exploration d'un "et si?". Malheureusement, il n'échappe pas à une petite dose de sentimentalisme et quelques clichés, qui m'ont empêché de rentrer à fond dans le récit. Mais il n'en reste pas moins fort bien construit, tant sur le fond que la forme.

Un mot sur le dessin, justement : le trait est très soigné, ce qui donne à la BD un côté réaliste. Il est amusant de noter que les poulets sont dessinés avec autant voire plus de soin que les humains, ce qui n'est évidemment pas innocent. Le tout en N&B, ce qui permet d'apprécier la pureté du dessin. Pour ma part, j'aime beaucoup.

Une petite planche VO pour vous faire une idée

Les premières 30 pages sont disponibles en VO ici, si vous voulez y jeter un oeil.


CITRIQ