Défi steampunk (et autres)

samedi 30 avril 2011
Défi littérature / BD / cinéma

C'est un genre que j'avoue connaître assez mal, et qui je dois bien le dire me fait un peu peur à cause de son exploitation parfois très commerciale. Raison de plus pour le (re)découvrir sous un autre jour, et mettre aux placards ces vieux préjugés.
Je me suis donc inscrit au défi lancé par Lord Orkan Von Deck, dans les catégories livres et BD (il y a aussi une catégorie cinéma mais bizarrement je n'ai aucun bon film en tête, donc je m'abstiens pour l'instant). Voici les livres qui sont déjà dans ma PàL et que je compte déterrer pour l'occasion (par ordre d'envie et donc probablement de lecture) : 

  • Kraven de Xavier Mauméjean
  • To Say Nothing of the Dog de Connie Willis
  • The Steampunk Bible: An Illustrated Guide to the World of Imaginary Airships, Corsets and Goggles, Mad Scientists, and Strange Literature (ouf) de S. J. Chambers et Jeff VanderMeer (c'est celui que l'on aperçoit dans le superbe logo créé pour le défi!)
  • Boilerplate: History's Mechanical Marvel de Paul Guinan
  • Les confessions d'un automate mangeur d'opium de Fabrice Colin & Mathieu Gaborit
  • The Difference Engine de William Gibson et Bruce Sterling (si je me sens d'attaque)

Et en BD :
  • The League of Extraordinary Gentlemen d'Alan Moore et Kevin O'Neill
  • La Brigade Chimérique de Serge Lehman, Fabrice Colin et Gess (oui, toujours pas lu, mais j'ai une bonne excuse : je suis pauvre) (le premier qui me dit que ça compte pas parce que c'est du "radiumpunk" c'est mon poing virtuel dans la gueule)
  • Grandville de Bryan Talbot
  • Les Sentinelles de Xavier Dorison et Enrique Breccia

Ça fait déjà pas mal, je verrai si au cours du défi je me laisserai tenter par des chroniques élogieuses.

J'en profite pour faire un point sur les autres challenges auxquels je participe actuellement, et que je n'avais pas encore annoncé ici (sauf pour Blade Runner) :

Challenge fins du monde créé par Tigger Lilly

Un seul ouvrage lu dans le cadre de ce challenge pour l'instant : La Route de McCarthy. Mais ma chronique de World War Z est à venir incessamment sous peu, et j'espère bien avoir encore l'occasion de lire d'autres trucs sur cette thématique avant la fin de l'année.


Challenge Jules Verne créé par Isil

Pas encore avancé, mais j'ai trouvé d'occasion Voyage au centre de la Terre et Vingt mille lieues sous les mer, qui feront partie de mes toutes prochaines lectures.


Blade Runner, la totale créé par bibi
Je viens de terminer Do Androids Dream of Electric Sheep? (chronique à venir), le reste va suivre.

La science fiction - Jacques Baudou

Essai publié en 2003 aux PUF

J'ai beau m'intéresser de près à la SF depuis quelques années, je reste un ignare indécrottable en la matière. Alors je me suis dit qu'avec ce (tout) petit guide dans une collection réputée pour ses qualités pédagogiques, je pourrais apprendre un ou deux trucs.

Celui-ci nous livre exactement ce qu'il promet, ni plus ni moins. En cinq parties (Naissance et définition d'un genre, Genèse d'un genre, Géographie de la science-fiction, Les grandes thématiques de la science-fiction, La science-fiction en question), Jacques Baudou ne couvre évidemment pas le paysage de littérature science-fictionnesque de manière exhaustive, mais en trace les contours et identifie les points de repère principaux. Si la partie historique m'a beaucoup intéressé, j'ai trouvé les autres passages un peu arides, la faute à une approche très factuelle et descriptive. Je pense notamment au chapitre 3, où Jacques Baudou énumère pour chaque thématique les oeuvres les plus marquantes. Je pense que cet écueil est inévitable, mais du coup ça fait un peu liste de courses. Ceci dit, ça en fait un très bon inventaire dans lequel puiser quand on a envie de découvrir une thématique particulière. Paradoxalement, je pense que ce guide n'est à mettre entre les mains d'un lecteur qui ne connait pas du tout la SF et qui aimerait découvrir le genre, cela risque de l'ennuyer plus qu'autre chose, surtout s'il n'a aucun repère. Le livre intéressera plutôt ceux qui aiment déjà la SF et qui sont curieux d'apprendre son origine et ses frontières actuelles.

Le parti-pris de ne traiter la SF qu'à travers la littérature est bien sûr indispensable pour pouvoir en donner un petit tour d'horizon en seulement 120 pages, et dans la mesure où c'est le média d'origine du genre, qui reste encore aujourd'hui un de ses supports les plus populaires. Ceci étant dit, j'ai trouvé un peu dommage cette absence d'ouverture et de liens avec d'autres supports, en premier lieu le cinéma. Ça me parait être une séparation très artificielle, et je pense qu'il aurait été intéressant d'étudier les influences croisées des différents médias. C'est même à mon avis indispensable pour bien comprendre ce qu'est la SF aujourd'hui, et ce même si on ne s'intéresse qu'à son support littéraire. Pour contrebalancer cette critique, j'ai été content que soit traité (bien que de nouveau trop brièvement) de la SF "ailleurs", et pas seulement dans le monde anglo-saxon et en France.

Je ne veux pas être trop dur avec ce livre, car sa qualité première est bien sur sa concision, et son côté accessible. En cela, il est très réussi, et fournit comme l'indique la couverture un bon petit guide de la SF.

CITRIQ

Elle en parle également : Tigger Lilly

Trolls et Légendes 2011, le compte-rendu

lundi 25 avril 2011
Festival de SFFF

D'un évènement à l'autre, la période est décidément riche dans le plat pays pour les amateurs de SFFF. J'étais déjà allé à T&L il y a 4 ans, à cette époque j'étais plus intéressé par la partie JdR et concerts que par les rencontres avec les auteurs (je lisais alors nettement moins). Cette fois-ci, c'était l'occasion d'y retourner pour découvrir un autre aspect de ce festival. J'en ai également profité pour rencontrer des collègues de la blogosphère, et j'ai passé un très bon moment en compagnie de Julien, Spocky et Mr Spocky, Lhisbei et Mr Lhisbei, Cachou et Tortoise.


Ne connaissant que de nom certains auteurs et dessinateurs qui avaient fait le déplacement, j'y suis allé l'esprit ouvert et avec avant tout l'envie de passer un bon moment et de faire si possible quelques découvertes. J'avais quand même pris mon exemplaire de Kraven de Mauméjean qui a rejoint ma PàL récemment mais que je n'ai malheureusement pas encore eu le temps de lire (maintenant que j'ai rencontré l'auteur ça sera surement ma prochaine lecture).

Sous une chaleur accablante j'ai retrouvé les autres blogueurs pour aller manger un bout ensemble avant de nous rendre au festival à proprement parler. Le public était au rendez-vous, on avait même du mal à se déplacer par endroits. J'ai l'impression que l’évènement a gagné en notoriété depuis 4 ans, ce qui fait toujours plaisir à voir. Il faut dire qu'il y en a pour tous les goûts : une galerie d'exposition de dessins de dragons (le thème de cette édition), un marché "féérique" où l'on vend aussi bien des accessoires de GN que des bijoux et babioles en tous genres (je ne suis pas particulièrement fan et je pense qu'y consacrer quasiment la moitié de l'espace d'exposition est disproportionné), un concours de déguisements (nettement plus tourné vers le steampunk cette fois-ci j'ai l'impression), un espace BD / littérature (trop réduit à mon goût), un espace JdR et jeux de société, des projections de films et court-métrages, une discussion / débat avec Robin Hobb (l'invitée d'honneur de cette édition), et même des concerts le soir.

(Désolé pour la mauvaise qualité des photos, c'est prit avec mon téléphone.)

Bon ça se voit pas très bien ici, mais c'était vraiment archi bondé

Ne restant qu'une (petite) journée, je n'ai pas pu tout faire. J'ai passé pas mal de temps avec les autres blogueurs devant le stand de Mauméjean qui m'a fait une jolie dédicace et avec qui j'ai pu un peu bavarder, celui d'Ayerdhal juste à côté que je ne connaissais pas du tout mais que je lirai sûrement très prochainement à cause de son armée de fanboys (ils se reconnaîtront) qui m'en ont donné envie (la passion c'est communicatif, il parait), et celui d'actuSF à qui j'ai finalement acheté le recueil de nouvelles de Thierry DiRollo après en avoir entendu beaucoup de bien. Ensuite je suis allé faire un tour à l'espace JdR et jeux de société, nettement plus agréable car il y avait plus de place et on pouvait se balader librement entre les tables de jeu. Malheureusement pas trop le temps de me lancer dans une partie, mais je suis toujours content de voir des passionnés initier de nouveaux joueurs au JdR, qui reste malgré tous les efforts un loisir très "niche", et c'est bien dommage. Contrairement à il y a 4 ans où j'avais pu trouver d'occasion quelques suppléments Planescape et Archipels, je n'ai acheté aucun livre cette fois-ci, et ça n'est pas mon portefeuille qui s'en plaindra. Par contre, je suis tombé sur la figurine DC qui manquait à ma collection, The Question. Pour l'anecdote, c'est d'après ce super-héros que Moore a créé Rorschach, puisqu'il n'avait pas les droits d'exploitation de celui-ci. Bilan des achats / dédicace :

Plutôt raisonnable, j'ai réussi à me retenir pour une fois

Et The Question qui intègre illico mon panorama Batman (oui, je suis un gros geek, mais j'assume) :


Batman et sa crew

et tant qu'à faire, the baddies

Je suis aussi allé faire un tour du côté du concours de déguisements, j'ai été assez impressionné par le professionnalisme de certains, ça claquait pas mal. Malheureusement, les photos que j'ai prises ne sont pas d'assez bonne qualité, mais allez sur le billet de Cachou pour en voir quelques unes. La journée s'est terminée à siroter une bière en terrasse en bavardant avec les autres blogueurs. De chouettes rencontres, et une chouette journée. Que demander de plus?

Ils en parlent : Julien, Cachou, Lhisbei

Retour sur le BIFFF cru 2011

dimanche 24 avril 2011
Festival de films de genre

Comme je l'avais indiqué ici j'ai ENFIN pu faire le Brussels International Fantastic Film Festival cette année. C'était la première fois depuis que je suis tout jeune, je ne pourrai donc pas vous dire si cette édition était plus réussie que les autres. Mais je peux vous dire une chose : je me suis bien amusé. Au total, j'ai vu 4 films (dont les projections des soirées d'ouverture et de clôture) dans des genres complètement différents, ce qui ça m'a permit d'avoir je pense un bel aperçu de ce que le festival avait à proposer (même si je n'ai fait ni la zombie parade, ni le bal des vampires).

L'entrée, à Tour et Taxis

Vue d'ensemble

Le BIFFF, c'est d'abord une ambiance. Après avoir traversé un couloir sombre au décor rappelant une ruelle d'une ville fantasmagorique (zut, pas de photo, c'était vraiment pas mal pourtant), on se retrouve dans un autre monde. Un vrai palais des horreurs, avec des stands exposant / vendant des déguisements, des figurines et autres sculptures au mauvais goût certain. A cela s'ajoute deux espaces d'exposition, l'un consacré à des photos de déguisements / maquillages, l'autre à des dessins et sculptures en tous genres.

Ravissant

Mais le BIFFF figurez-vous, c'est surtout du cinéma (si si). Bon, si vous pensiez vous emmerder tout seul dans votre coin à regarder le film en silence vous vous êtes probablement trompé d'adresse, parce que c'est pas le genre de la maison. Ça crie, ça hurle dès qu'une scène d'horreur s'annonce, ça répond aux personnages ("la porte !"), et surtout ça rit chaleureusement. Super ambiance donc, et je me suis retrouvé à prendre du plaisir devant des films (enfin, un en particulier) qui m'auraient je pense profondément emmerdés si je les avais regardés tout seul chez moi. Mais parlons donc de ces films.

EDIT : finalement, je vais faire des billets séparés pour chacun d'entre eux, ça sera plus facile pour s'y retrouver. Vous trouverez les liens ci-dessous :

Balada triste de trompeta (soirée d'ouverture)

Super

Transfer

Monsters (soirée de clôture)


Rendez-vous au BIFFF 2012!

Monsters (Gareth Edwards)

Vu dans le cadre du BIFFF (soirée de clôture) (bon en fait c'était sold-out et on est allé le voir chez un ami, mais chut)

Long métrage sortit en 2010

C'est marrant, j'ai l'impression que ce film divise particulièrement ceux qui l'ont vu. D'un côté il y a ceux qui ont adoré, jugeant que le film est particulièrement réussi, qu'il est subtil et qu'il s'affranchit des codes de la SF hollywoodienne pour livrer un récit sobre et réaliste. Et puis de l'autre, il y a ceux qui disent que le scénario est inexistant et qu'on s'endort tellement il ne se passe rien. Evidemment, il y a un peu de tout ça. Mais si je devais me situer dans cette dichotomie, je me placerais quand même plutôt du côté du deuxième groupe, bien que certains éléments sauvent à mon sens le film de la catastrophe totale.

L'histoire se déroule six ans après la chute d'une sonde de la NASA transportant à son bord une forme de vie extraterrestre, "infectant" ainsi une partie du Mexique et le sud des USA :

Toute référence aux questions d'immigration serait "purement fortuite"

Un photographe est envoyé récupérer la fille de son patron qui se trouve de l'autre côté de la zone de quarantaine hautement sécurisée. Pourquoi elle se trouve là-bas? Pourquoi envoyer un photographe plutôt que quelqu'un de plus qualifié? Tout ça est un peu flou, et révélateur d'une des grandes failles du film : son scénario bancal et inintéressant. On ne croit pas une seconde à ce prémisse, et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Les deux jeunes gens vont se retrouver par un concours de circonstances décidément bien commode devoir terminer à pied la traversée de la zone infectée, aidés parfois par la population locale et des mercenaires étonnement coopératifs. A cela se colle une pseudo-histoire d'amour sans aucun intérêt, d'autant qu'on sent venir la fin gros comme une maison (elle n'en reste pas moins gerbante).

On me rétorquera que là n'est pas l'intérêt du film et qu'il faut passer outre. Je suis bien d'accord mais voilà, moi quand je vois un film je le prends dans sa globalité, je n'arrive pas à en occulter une partie pour me concentrer uniquement sur les points positifs. Car il y en a. Visuellement, je le trouve particulièrement réussi. Pas de gros effets spéciaux, mais une attention au détail et un style ultra-réaliste qui rend l'ensemble terriblement crédible. Petit aperçu :






Mais seulement voilà, ça a beau être joliment tourné, ça ne suffit pas pour en faire un bon film. Soyons clair : ça n'est pas tant la lenteur du rythme ou le fait qu'il ne "se passe rien" qui me dérange, après tout il m'arrive d'apprécier des oeuvres contemplatives (Into the Wild et Le Tombeau des lucioles me viennent par exemple à l'esprit), du moment que ce type de narration participe à poser une ambiance. Et c'est là que le bât blesse : dans Monsters, on a surtout l'impression de s'ennuyer ferme. Bon, je suis peut-être un peu dur avec lui, mais j'avais lu de bonnes choses au sujet de ce film, donc je m'attendais vraiment à mieux.

Transfer (Damir Lukacevic)

Vu dans le cadre du BIFFF

Long métrage sortit en 2010

Transfer est une petite production allemande, injustement passée inaperçue lors de sa sortie l'année dernière. Adaptation de la nouvelle "Thousand Euros, One Life" d'Eli Barcelo, c'est un film de SF pur jus à tendance dramatique. Le genre qui dérange, qui transgresse des interdits et des tabous dans le but de nous interpeller sur nos propres limites et nos valeurs morales. On y aborde des thèmes tels que le lien entre l'identité et le corps, l'idée de la numérisation de l'esprit, l'amoralisme des compagnies privées, les inégalités de richesse, le racisme et même l'eugénisme (plutôt couillu pour un film allemand, ce qu'il faut saluer).

C'est l'histoire d'un couple allemand en fin de vie mais bourré aux as, qui malgré certaines réticences décide d'essayer un nouveau service vendu par une société de biotechnologies qui propose moyennant finances de transférer leur conscience et leurs souvenirs dans de nouveaux corps afin de leur donner une sorte de nouvelle vie. Ces corps sont ceux de "volontaires" qui ont accepté de céder leur enveloppe corporelle en échange d'une partie du payement qui sera envoyée à leurs familles, en Afrique. Leur conscience sera "endormie" et ne se réveillera que 4 heures par jour, quand les nouveaux propriétaires du corps seront eux en train de dormir (ça va, vous suivez?). Les deux consciences habitant le même corps restent (en théorie du moins) parfaitement hermétiques, et leurs souvenirs sont également séparés. Petit à petit, ces deux couples (les vieux et les africains) vont s'habituer à vivre ensemble, mais une série d’évènement va faire surgir des tensions...

La future enveloppe corporelle du vieil Hermann

On a là un film extrêmement ambitieux, s'ouvrant sur un prémisse à la fois terrifiant et fascinant. Il aurait pu s'emmêler les pinceaux pour n'être qu'au final un méli-mélo d'idées intéressantes mais sous-exploitées, ou au contraire faire passer les idées au premier plan au détriment du ressentit des personnages et rendre au final très froid. Il évite assez bien ces deux écueils, et rien que pour ça je pense qu'on peut dire que le film est une réussite. Une fois l'idée de départ acceptée, on voit venir l'intrigue grosse comme une maison, mais ça n'est pas grave, puisque celle-ci est bien menée, et les acteurs jouent dans l'ensemble assez juste. Il mérite très certainement le prix qu'il a reçu au BIFFF.

Le transfert de conscience

Transfer rappelle furieusement Gattaca, tant sur le fond (manipulation du vivant, l'homme confronté aux technologies) que sur la forme (un traitement un peu naïf, une forme d'angélisme sur la nature humaine), et même visuellement (des décors très épurés et des environnements très clairs). C'est visiblement une des inspirations principales du réalisateur, qui ne s'en cache pas. On y retrouve d'ailleurs les mêmes failles, peut-être plus marquées encore : une histoire et des personnages trop "lisses" voire stéréotypés pour être vraiment crédibles, et un traitement un peu naïf / rentre-dedans qui peut parfois un peu agacer. Avant de me faire taper dessus, je précise que j'ai quand même beaucoup aimé Gattaca (tout comme j'ai apprécié ce film). Si c'est aussi votre cas, foncez sur Transfer, je pense que vous ne pouvez pas être pas déçu. Encore faut-il mettre la main dessus, et ça c'est une autre paire de manches... J'ai écrit au réalisateur pour savoir s'il avait prévu de le sortir en DVD, je mettrais ce billet à jour s'il me répond.
EDIT : le réalisateur m'a répondu et m'a très gentiment proposé de m'envoyer une copie. Je ne la mettrai pas en ligne par respect pour son oeuvre (et étant donné la possibilité d'une future sortie DVD), mais vous pouvez  me contacter si vous voulez que je vous la prête.

Super (James Gunn)


Long métrage sortit en 2011


Quoi, encore un film "réaliste" sur un wanabee super-héros? Ben oui, sauf que celui-ci, il est bien (désolé pour ceux qui ont aimé Kick-Ass). En plus il parait qu'il n'a même pas copié sur son voisin (mais au fond, on s'en fout).

N'ayant pas du tout entendu parler du film avant d'aller le voir (normal, il n'est pas encore sortit dans les salles en Europe), je m'attendais à une petite production récente passée inaperçue. Bon, pour la petite production, on repassera, en fait. Au casting : Rainn Wilson, Ellen Page, Liv Tyler et Kevin Bacon dans les rôles principaux. A noter que Nathan Fillion a aussi un rôle (mineur) du good-guy de service qui rappelle celui qu'il jouait dans Dr. Horrible's Sing-Along Blog (allez, je peux pas résister). Les scènes dans lesquelles il figure sont d'ailleurs vraiment tordantes. Liv Tyler est assez décevante mais il faut dire que son rôle de potiche de service ne la met pas en valeur. Par contre, je suis toujours gaga devant Ellen Page, qui joue ici un rôle lui convenant à merveille, et qu'elle interprète avec brio. Un passage en particulier restera gravé dans ma mémoire comme l'une des scènes les plus érotiques que j'ai pu voir au cinéma (si vous ne craignez pas le spoil, ça vaut le coup d'oeil).

gah.

Le pitch : un bon gros looser se remet profondément en question le jour où sa femme le quitte pour partir avec un dealer. Là où un homme raisonnable aurait saisi cette occasion pour prendre un nouveau départ (non, la corde ça ne compte pas), Frank D'Arbo décide que ce genre d'injustice ne doit pas rester impuni, et commence à se construire une identité de super-héros. Son but ne sera pas seulement de récupérer sa femme, mais de combattre le crime (un peu) et les petites incivilités (surtout). 

Le film touche ici à un point intéressant et à mon avis sous-exploité (en tous cas au cinéma) du super-héros : l'auto-justice et toutes les dérives qu'elle implique, notamment en terme de proportionnalité des sanctions. Un connard hautain doublant dans la file au cinéma sera par exemple récompensé par un coup de clef à molette dans la gueule, qui l'enverra illico-presto dans le coma. Dommage que le film n'aborde finalement qu'assez superficiellement cette thématique qui aurait pu être un peu plus creusée, mais qui a au moins le mérite d'être survolée. Super n'est donc pas qu'une "simple" comédie, tout drolatique qu'il soit pas ailleurs. Pour le plaisir de la polémique, je dirais qu'il est tout ce que Kick Ass aurait dû être (oui, je fais partie des grands déçus du film) (je n'ai pas lu le comic mais il ne m'attire pas particulièrement), car si la comparaison entre ces deux-ci est inévitable tant les points communs sont nombreux, je l'ai trouvé à la fois plus drôle et plus subtil.

Le film est bourré de références visuelles aux codes des comics

Comme Balada triste de trompeta, Super est un film polymorphe, qu'on ne sait pas très bien par quel bout prendre, même s'il fonctionne au final beaucoup mieux que celui-ci. La fin dramatique et anti-happy-end d'une comédie plutôt réussie mais aussi dérangeante fait qu'on en ressort le sourire aux lèvres mais l'esprit troublé. Le film se situe dans un espèce d'entre-deux qui fait qu'il aura je pense du mal à trouver son public cible, et ne pourra convaincre que ceux qui l'abordent l'esprit ouvert. Super n'est certainement pas un "grand" film, mais il a ce petit quelque chose qui a su me convaincre et qui fait que j'en garderai un bon souvenir.



P.S. : Promis, je vais essayer de me calmer avec les parenthèses (mais j'y peux rien) (c'est maladif).

Balada triste de trompeta (Álex de la Iglesia)


Long métrage sortit en 2010

Dans l'Espagne de 1973, Javier vient d'être engagé dans un cirque pour jouer le seul rôle qu'il sait faire : Pierrot ("el payaso triste"). Cet empoté obèse et torturé par le souvenir de son père va se retrouver confronté à son partenaire de scène Sergio, un homme violent et alcoolique qui dirige officieusement le cirque. Un triangle amoureux va rapidement se dévoiler, les deux hommes se battant pour le coeur de la trapéziste Natalia... au sens propre du terme. Javier va finir par mutiler Sergio puit se scarifier lui-même (pour donner la belle paire d'estropiés que l'on voit sur l'affiche), et le reste du film va être consacré au combat entre ces deux personnages à la santé mentale plus que douteuse.

Javier devient à un moment le "chien de chasse" de Franco

C'est un film très particulier, j'avoue avoir du mal à le cerner et à comprendre les intentions du réalisateur (dont je n'ai vu aucune des oeuvres précédentes, je précise). C'est bourré de scènes d'action violentes au possible, du coup on pourrait croire au début qu'on a à faire à film gore / drôle basique, du genre nanard assumé. Mais on sent bien que de la Iglesia essaye aussi de mettre en valeur la portée dramatique de l'histoire (notamment avec les premières scènes qui expliquent l'origine de la psychose de Javier), sans vraiment y réussir à mon avis. On y trouve aussi quelques passages directement liés à l'histoire espagnole, Javier rencontrant par exemple Franco et se retrouvant mêlé à l'assassinat de Carrero Blanco (notons au passage le bel assemblage avec des images d'archives). On sent bien que les influences de la movida ne sont pas loin, avec cet espèce de bouillonnement culturel incontrôlé et irrévérencieux. Mais je dois dire que je ne suis pas du tout rentré dedans, et si ce film ne m'a pas laissé indifférent il m'a globalement ennuyé, ne sachant pas très bien par quel bout le prendre et n'y trouvant pas d'intérêt particulier. Je dois préciser par soucis d'objectivité que je n'ai jamais été un grand amateur de fusillades et de scènes d'action en général à moins que celles-ci aient un intérêt pour le récit. Ici, ça m'a paru assez gratuit, même s'il faut bien dire que visuellement, ça claque.

Non, Balada ne fait pas dans la subtilité



Coup de pied

Frankenstein or The Modern Prometheus - Mary Shelley

jeudi 21 avril 2011
Roman publié originellement en 1818, ici  l'édition Penguin Classics de 2003


Figurez-vous que je n'avais toujours pas lu ce grand classique de la littérature gothique et fantastique. Il était grand temps de rattraper cette erreur, alors j'ai retroussé mes manches et je me suis attelé à cette lecture qui s'est révélée passionnante. Car si une chose ressort avant tout de ce roman, c'est qu'il n'a pas pris une ride, malgré les presque 200 ans qui nous séparent de sa rédaction. Oh certes, l'écriture a vieilli. Comme avec la plupart des livres du XIXè, c'est très romancé et on peut être dérouté par le fait que les personnages réagissent tous avec énormément d'emphase et de grandiloquence pour exprimer la moindre de leur pensée ou de leur émotion. Alors évidemment, ça demande un petit effort d'adaptation supplémentaire, mais on passe outre très rapidement et facilement. Car la puissance du récit reste intacte, et certains passages (je pense notamment aux monologues de la créature) sont absolument bouleversants.

Pas de grosse surprise sur l'histoire évidemment, le livre étant victime de son succès. Tout le monde la connait à peu près, les thématiques abordées ayant été reprises dans de nombreuses oeuvres, que ce soit les adaptations directes (plus ou moins fidèles) ou celles se revendiquant de l'héritage de la sainte mère du fantastique. Rappelons tout de même rapidement la trame de l'histoire, pour les martiens qui viendraient de débarquer sur terre. Le brillant Victor Frankenstein, passionné par l'ambition des sciences anciennes et doué d'une intelligence et d'une soif d'apprendre hors du commun, découvre le moyen de créer la vie. Il met cette découverte en pratique en créant une créature qui va très rapidement lui échapper. S'ensuit alors une espèce de course poursuite qui va s'étaler sur tout le roman, Frankenstein cherchant au départ à retrouver sa créature, puis à lui échapper et à l'oublier, pour enfin essayer de la rejoindre à nouveau dans le but de mettre une fin définitive à ses crimes. Et la créature, qui au départ va chercher à apprendre la vie en espérant pouvoir s'intégrer à la société humaine, va très vite se rendre compte que celle-ci n'a que dégoût et rejet pour elle. Elle va alors retrouver Frankenstein pour lui demander une faveur un peu particulière, et quand son créateur lui refusera celle-ci, elle n'aura de cesse de le poursuivre pour assouvir son désir de vengeance, les condamnant tous deux à des existences misérables.

Si l'histoire m'était déjà relativement familière, cette lecture m'a fait prendre conscience du nombre de clichés et d'idées reçues qu'on peut avoir au sujet de cette oeuvre passée dans la culture populaire, et de l'importance de revenir à la source pour se rendre compte que ceux-ci trahissent bien souvent l'oeuvre d'origine. Quelques exemples qui m'ont particulièrement marqués :
C'est par assimilation à son créateur que la créature est généralement nommée Frankenstein, puisqu'il s'agit bien là du nom du scientifique (et de sa famille). Dans le roman, elle est juste appelée "la créature" ou "le monstre". On la prive ainsi d'une des caractéristiques les plus élémentaires de l'identité humaine, ce qui va bien sûr avoir son importance dans l'histoire.
La "construction" de la créature ne prend qu'une place marginale dans le roman : elle est expédiée en quelques pages assez tôt dans le récit, très simplement et sans grandiloquence. On est bien loin de l'image du fossoyeur qui profite de la nuit pour aller au cimetière déterrer des cadavres, ou du savant fou et machiavélique qui assemble différents membres à la lumière blafarde de son laboratoire bordélique. Car là n'est évidemment pas l'intérêt du récit.
D'ailleurs, l'histoire est autant à propos de la créature que de son créateur. Quand on parle de cette oeuvre, on pense le plus souvent (et à juste titre) du tourment de la créature, rejetée par la société à cause de son apparence physique, alors que ses intentions sont amicales et qu'elle est véritablement curieuse de découvrir les hommes et d'apprendre à vivre avec eux. Ce questionnement sur la différence, sur le rejet de l'autre est effectivement un des thèmes centraux du livre. Mais on a souvent tendance à oublier l'importance du tourment du créateur, rongé par le remord et écrasé par la culpabilité d'avoir mis au monde un monstre, son déchirement quand il se rend compte que sa création lui échappe et commet d'horribles crimes, et sa solitude quand il réalise qu'il ne peut partager sa douleur avec quiconque, puisque personne ne croira son histoire. Au tourment de la créature répond celui de son créateur : deux âmes-en-peine, au destin inexorablement lié, condamnées au malheur et au désespoir.

Cette dernière dimension m'a tout autant marquée que la thématique (plus connue et d'une certaine façon plus classique, le livre ayant fait des émules) du monstre créé par le regard de celui qui le considère comme tel. Si le livre est une adaptation du mythe de Prométhée (comme le suggère le titre), je l'ai aussi vu comme une relecture de celui d'Icare : à vouloir se prendre pour dieu (en créant la vie), l'homme provoque sa propre chute.

L'édition Penguin Classics est intéressante en ce qu'elle apporte tout le contexte nécessaire pour bien resituer l'oeuvre : une chronologie de la vie de Mary Shelley (difficile de croire qu'elle n'avait que 19 ans à l'écriture de Frankenstein!), une introduction de l'éditeur, une bibilographie indicative d'ouvrages traitant de Frankenstein, et une brève explication sur les différentes éditions du livre. Comme d'habitude pour ce genre de commentaires, je conseillerais de ne les lire qu'après avoir découvert le texte. On trouve aussi en annexe une liste exhaustive de toutes les modifications entre l'édition de 1818 et celle de 1831 (peu d'intérêt à mon avis), ainsi qu'un fragment de texte de Lord Byron écrit par celui-ci dans le cadre d'un défi qu'il s'était fixé avec Percy Shelley et sa femme Mary Shelley (c'est là que lui vint l'idée de Frankenstein), et qui inspira la nouvelle Vampyre de John William Polidori (qui elle-même inspirera plus tard Bram Stoker pour son Dracula), également en annexe.

Une lecture poignante donc, et un grand classique qui reste tout à fait accessible et intéressant.

CITRIQ

Batman: Gotham Knight

samedi 16 avril 2011
Long métrage sortit en 2008

Les types comme moi, au département marketing de DC, on les appelle les pigeons aux oeufs d'or. Le genre de mec à qui t'es sûr de pouvoir refourguer ta came, mais quand elle a été coupée au sucre à 90%. Parce qu'en bon fanboy de Batman, il suffit de coller le nom du caped crusader sur une pochette DVD, et vous pouvez être sûr que j'achète. D'ailleurs en fouillant un peu dans mes étagères on peut trouver Batman: Leatherwing (où Batman joue un capitaine de vaisseau pirate, sisi) et Batman XXX : A Porn Parody (je dois vous faire un dessin?) (ça me fait d'ailleurs penser que je dois écrire un billet sur le phénomène des parodies porno). C'est vous dire.

Ben, ça m'apprendra, tiens. Mais avant toute chose, trailer :


Ca s'annonçait bien, pourtant. 6 courts métrages d'animation créés par des réalisateurs différents, réunis dans un direct-to-DVD prévu pour faire patienter les fans entre les deux derniers Nolan. Bruce Wayne / Batman (ah, désolé pour le spoiler) interprêté par l'excellent Kevin Conroy. Le tout dirigé par Bruce Timm (aka dieu, pour tout fan de Batman qui se respecte), qui faut-il le rappeler, est le co-créateur et producteur de Batman TAS et Batman Beyond (dieu, vous dis-je!). L'idée est originale, s'éloignant des grosses productions hollywoodiennes pour montrer des regards différents et plus personnels sur une icone super-héroïque. La démarche rappelle un peu celle d'Animatrix (que je n'ai pas vu). Alors, qu'est ce qui cloche? Ben, la sauce ne prend pas, tout simplement. On a des univers graphiques avec un certain cachet, très sombres pour la plupart et visuellement plaisants, mais c'est à peu près tout. Scénarios bancals voire inexistants, histoires qui m'ont fait autant d'effet qu'un strip-tease de Mimie Mathy déguisée en hawaïenne, bref circulez, y'a rien à voir. Non, revenez, on va quand même détailler un peu.

Have I Got a Story for You (écrit par Josh Olson, animé par le Studio 4°C) raconte à travers les yeux de trois gamins des rues l'histoire d'un combat entre Batman et un quelconque criminel. Chacun donne sa version des faits, évidemment influencée par son regard d'enfant et la volonté d’impressionner ses copains. Du coup on voit successivement différents Batmans : pour l'un c'est une ombre capable de disparaître et réapparaître à souhait, pour l'autre c'est une créature moitié humaine, moitié chauve-souris, pour le troisième c'est en réalité un robot qui n'a d'humain que l'apparence. C'est une technique de narration très intéressante, qui fonctionne particulièrement bien à l'écran grâce à la visualisation de chacune des interprétations. Et c'est un bel hommage en clin d'oeil à un héros qui a eu autant d'incarnations que d'auteurs. Super, mais ça a déjà été fait (et mieux), du coup ça pue quand même un peu le plagiat. Sont pas très futés les mecs quand même, ils font un DVD ayant pour cible principale (unique?) les gros fanboys de Batman et ils pensent que ça va passer inaperçu? Faut arrêter le foutage de gueule. C'est d'autant plus dommage que le Studio 4°C a beaucoup de potentiel (mais je ne leur en veux pas, ils ont porté à l'écran le texte qu'on leur a donné), c'est d'ailleurs à eux que l'on doit la très belle adaptation de Tekkonkinkreet (officiellement recommandé par moi™).
Dans Crossfire (écrit par Greg Rucka, animé par Production I.G), on suit deux agents de police travaillant dans l'unité du commissaire Gordon chargés de ramener un prisonnier échappé à l'asile d'Arkham (le criminel du court précédent). S'ensuit un petit débat inutile et assez ridicule sur le rôle du vigilante à Gotham, et hop ils se retrouvent par une étrange coïncidence coincés entre deux gangs ennemis qui s'envoient des fleurs à coups de lance-roquettes. Batman intervient, sauve les gentils, tout est bien qui finit bien. Soporifique.
Dans Field Test (écrit par Jordan Goldberg, animé par Bee Train), Batman teste un nouveau joujou technologique lui permettant de dévier les balles. Evidemment ça finit par blesser quelqu'un d'autre, et ça se termine par Batman qui ramène le joujou en disant qu'il est prêt à risquer sa vie, mais pas celle des autres. Niais, et sans intérêt.
In Darkness Dwells (écrit par David S. Goyer, animé par Madhouse) est celui que j'ai trouvé le plus intéressant graphiquement parlant (attention, je n'ai pas dit beau). Le reste du court est correct sans être transcendant. On va enfin voir du vrai méchant, avec Scarecrow et Killer Croc qui affrontent Batman dans les égouts de Gotham. Cependant en 10 minutes on a plus l'impression de voir un trailer qui spoilerait tous les moments clefs d'un film qu'autre chose. Passable, donc.
Working Through Pain (écrit par Brian Azzarello et animé de nouveau par Studio 4°C) fait suite aux évènements du précédent court et on va suivre Batman dans un souvenir de sa vie où il apprend à contrôler sa douleur. On y croise de nouveaux personnages qu'on ne reverra pas par la suite, du coup on se demande un peu où ça veut en venir. Pas convaincu en tous cas.
Finalement, Deadshot (écrit par Alan Burnett, animé par Madhouse) est plutôt joli (Gotham y est très bien rendu). Batman va affronter un assassin talentueux commissionné pour abattre Gordon. Aucune originalité sur le traitement, on a l'impression d'avoir à faire à une énième histoire de bottage de cul d'un méchant lambda.

Bien maigre bilan, donc. A réserver aux inconditionnels de Batman, malheureusement.

Coup de pied

Arrêt cardiaque

jeudi 14 avril 2011
Source

Rassurez-vous, je vais bien (oui, je me doute que vous vous en secouez le cocotier, merci). Simplement un petit post pour signaler que j'ai fait une grosse mise à jour de ma page coups de coeur. Au début j'étais parti pour n'y mettre que les liens vers des chroniques de ce blog, mais en attendant que je me replonge dans toutes les oeuvres m'ayant particulièrement marquées, pour les chroniquer ici (j'en ai bien l'intention, mais ça va prendre du temps), je commence par en faire la liste.

Bon, c'est surtout pour m'aider à m'y retrouver dans tout ce mic-mac, mais je me suis dit que ça pourrait éventuellement intéresser deux, trois personnes à la recherche de conseils et recommandations (notamment pour les sections BD et films qui sont pas mal fournies). Voyez ça comme ma bibliothèque / vidéothèque / spermathèque / ludothèque idéale (cherchez l'erreur). La crème de la crème, le haut du panier. Vous pouvez taper là dedans les yeux fermés, en cas de déception je m'engage solennellement (vous avez ma promesse) à ne rien faire du tout puisque je considérerais que vous avez particulièrement mauvais goût.

Don't take it personally, babe, it just ain't your story

lundi 11 avril 2011
Jeu vidéo créé par Christine Love mis en ligne le 04/04/2011


Parfois, il faut se forcer un petit peu. Sortir de sa zone de confort, essayer quelque chose de nouveau, être ouvert à changer d'avis sur un truc qui ne nous tape pourtant pas dans l'oeil à première vue. Trois fois sur quatre, ça confirme nos préjugés, et on se dit qu'on ne nous y reprendra pas (jusqu'au jour où on nous y reprend). Mais parfois, on a une bonne surprise, et on tombe sur une perle. Il faut dire que Don't take it personally, babe, it just ain't your story (DTIPBIJAYS hum non finalement je ne vais peut-être pas utiliser l'acronyme) avait tout pour ne pas me plaire : une visual novel sauce anime où l'on joue un prof de lycée voyeur qui se retrouve mêlé aux amourettes de ses élèves. Ouais, hein? A peu près le concentré de tout ce que je déteste. Mais c'est écrit par la talentueuse Christine Love, auteure du superbe Digital Love, qui racontait une histoire d'amour touchante au temps du début d'internet et qui était un de mes gros coups de coeur vidéoludiques de l'année dernière (ça me donne envie d'y rejouer d'ailleurs, et ça sera l’occasion d'écrire un billet dessus). Alors bon, je ne pouvais décemment pas ne pas au moins lui donner sa chance.


On suit ici la vie de Rook, un semi-looser trentenaire qui est devenu prof de littérature anglaise suite à une "midlife crisis" et débarque dans un nouveau lycée. On va très vite rencontrer les sept élèves de sa petite classe, un bel éventail d'ados joliment croqués. Ca, c'est pour l'histoire "principale", la partie émergée de l'iceberg. Mais le plus intéressant, et là où la narration innove, se trouve dans les conversations qu'ont les élèves sur le réseau social AmieConnect, un ersatz de Facebook. Par un quelconque truchement technologique (assez peu crédible en fait, mais là n'est pas le sujet), l'école a réussi à avoir un accès libre à toutes les conversations, aussi bien sur les "walls" que les échanges strictement privés. Le directeur de l'établissement nous encourage d'ailleurs à nous y rendre, arguant que cela nous aidera à mieux comprendre nos élèves et ainsi à gérer plus facilement les situations difficiles. Du coup au cours du jeu, on reçoit régulièrement des notifications de nouveaux messages (ne nous étant pas destinés), que l'on peut lire et relire à n'importe quel moment. Ceux-ci vont effectivement nous aider à mieux cerner la personnalité et la vie de chacun des élèves, un peu à la façon d'une enquête où l'on récolterait des indices.



Ici, la mécanique du jeu nous encourage (ou nous force, si on est réticent au départ) au voyeurisme. C'est ce que l'on est censé faire pour progresser, donc on le fait sans réfléchir. Quand on joue à mario, on ne se demande pas pourquoi on doit toujours avancer vers la droite, c'est la mécanique du jeu, on l'accepte et on se concentre exclusivement sur les obstacles que l'on rencontre. Sauf que comme le titre l'indique, l'histoire qui est racontée n'est pas la notre, et le jeu nous le rappelle régulièrement en ne nous offrant que peu d'opportunités d’interaction et en cassant carrément le quatrième mur à plusieurs reprises. Et là, on se sent mal à l'aise. Parce qu'on se rend compte que le voyeur c'est nous, pas (seulement) le personnage. Il y a un passage en particulier, où on a la possibilité de voir des photos à caractère pornographique d'une des élèves. Sauf que celles-ci sont protégées par un mot de passe, et frustration ultime, impossible de trouver celui-ci dans le jeu. Alors en bon pervers que je suis, ni une ni deux je vais sur internet pour trouver le mot de passe en question (ce qui n'est pas bien difficile, l'auteure nous facilitant même la tâche). Après avoir vu la photo, je me rend compte que le personnage, Rook, n'est pas censé l'avoir vu, lui. Et du coup je ne peux plus me retrancher derrière la barrière du rôle que je serais en train de jouer. Dérangeant, et joliment amené.

Deux (tout) petits bémols, qui sans nuire réellement à l’expérience globale m'ont agacés.
A certains moments on nous oblige à lire nos messages, sans quoi on ne peut pas continuer. Ca fait ressortir l'artificialité du script et c'est particulièrement frustrant quand on a l'illusion du choix. Pire, on est parfois contraints à aller visiter le site "12chan" (je suis sûr que vous trouverez la référence tout seul comme des grands). La parodie est plutôt bien vue, mais à moins d'être un gros geek et/ou un otaku, ça vous passe au dessus de la tête (d'ailleurs le jeu est plein de clins d'oeil et de références là dessus, mais la plupart sont assez compréhensibles), et puis ça coupe le rythme puisque ça n'a absolument rien à voir avec le reste de l'(les) histoire(s). L'idée est amusante, mais l'accès aurait dû rester facultatif à mon avis (bon après, rien ne vous empêche d'ouvrir la page et de la refermer direct pour continuer l'histoire hein).


D'autres scènes mettent particulièrement mal à l'aise, comme lorsque l'on doit réagir aux avances faites par une de nos élèves. Dans l'ensemble, le jeu est vraiment riche en émotion, le traitement étant toujours très juste et crédible. Ca m'a d'ailleurs rappelé Fucking Åmål (un film à voir de toute urgence si ce n'est déjà fait), à la fois pour les thèmes abordés (crise de l'adolescence, découverte de son homosexualité) et pour cette justesse du ton. Le jeu amène aussi à la réflexion sur les concepts d'intimité et de vie privée, avec une fin dont je ne dirai rien sinon qu'elle est surprenante mais plutôt satisfaisante. Christine Love a décidément un sacré talent pour écrire des histoires interactives, je surveillerai de très près ce qu'elle fera par la suite.

Ca se télécharge gratuitement ici, et vous en aurez en tout pour une bonne heure (voir un peu plus). Bon par contre, je ne sais pas si ça vaut la peine de préciser, même ça demande quand même une certaine familiarité avec la langue de Shakespeare.


Coup de coeur

The Sopranos

samedi 9 avril 2011
série télévisée créée par David Chase, diffusée originellement entre 1999 et 2007

Une fois n'est pas coutume, je m'éloigne ici des contrées de l'imaginaire dans lesquelles j'ai l'habitude de batifoler, pour visiter le pays où l'on se réveille avec une tête de cheval dans ses draps. Alors oui, j'avoue avoir un certain faible pour les films de gangsters -- The Public Enemy, Scarface (et son remake), Le Parrain bien sûr, Goodfellas et Casino, Reservoir Dogs, The Usual Suspects, Pulp Fiction, The Departed (pour n'en nommer que quelques uns) font partie de mes plus grands coups de coeur cinématographiques, tous genres confondus. A vrai dire, je n'arrive pas tout à fait à mettre le doigt sur ce qui me plait tellement dans ce genre. Le mélange de relations à vif, d'hubris et de recherche effrénée de pouvoir, sans doute. L'exploration d'une part sombre de l'histoire américaine, aussi, quand bien même il s'agirait d'une histoire romancée.


Il y a de tout ça dans The Sopranos, et bien plus encore. Car ce qui me frappe avant tout au sortir des 86 épisodes (chacun faisant entre 45 et 60 minutes, ça fait un sacré morceau) répartis en 6 saisons, c'est l'ampleur et l'ambition de cette série. Tous les thèmes, les débats et les problèmes qui agitent la société américaine moderne (et par extension, la notre) y passent : la superficialité des relations sociales, l'importance disproportionnée du "paraître" par rapport à l'"être", le désœuvrement alors qu'on a tout pour être heureux, le mal-être de la jeunesse, le bouleversement des valeurs référentielles, la banalisation du racisme, etc. Tout ça est traité avec justesse, réalisme et intelligence.
Cette diversité se retrouve aussi chez les personnages. Ceux-ci sont particulièrement nombreux (plus de 30, sans compter les rôles secondaires et les "guest stars"), et pourtant on sent bien qu'une attention extrême a été apportée à chacun d'entre eux, et leurs relations complexes rend l'ensemble absolument crédible. Plus que pour n'importe quelle autre série, j'ai vraiment eu l'impression que ces personnages existaient. D'ailleurs, il me semble avoir reconnu Paulie Gualtieri dans la rue l'autre jour. J'ai changé de trottoir en baissant la tête.

Ce que j'aime peut-être avant tout dans cette série (et ce que je reproche à beaucoup d'autres), c'est qu'elle ne prend pas son audience pour des attardés mentaux qui auraient besoin d'être pris par la main pour s'assurer qu'ils ont bien tout compris et éviter qu'une scène contenant un peu trop d'implicite passe au dessus de leur tête. Elle nous épargne aussi la plupart des écueils narratifs des séries télévisuelles américaines (cliffhangers à gogo, suspense artificiel, grosses ficelles scénaristiques) et qui ont tendance à sacrément m'agacer. The Sopranos est une oeuvre mature et maîtrisée de bout en bout. Bien plus qu'un simple film de gangster à rallonge, The Sopranos donne un bel aperçu de la société américaine d'aujourd'hui à travers les destins tragiques de personnages crédibles et attachants. Un chef-d'oeuvre de la télévision américaine, rien de moins.

ATTENTION SPOILERS
Je ne peux résister à vous montrer cette superbe scène du meurtre d'un des personnages centraux de la série, qui montre très bien comment les techniques de tournage sont à la fois originales et parfaitement maîtrisées :

Le Temps, en s’évaporant - Jean-Claude Dunyach

jeudi 7 avril 2011

Receuil de nouvelles publié chez L'Atalante en 2005

J'ai découvert ce recueil un peu par hasard, puisque c'est mon gentil libraire qui me l'a mis entre les mains, en me recommandant cet auteur que je ne connaissais jusqu'ici que de nom. Ce qu'il a omis de me préciser, le fourbe, c'est que c'est là le 5è recueil de nouvelles publié chez l'Atalante par Jean-Claude Dunyach (JCD), sur un total de 6. Alors ça n'est pas bien grave, puisque ceux-ci ne se suivent pas chronologiquement d'une quelconque manière. Mais si quand même, c'est grave, puisque je dois maintenant me retenir pour ne pas courir lui acheter les 5 autres recueils (comme quoi, il est malin, n'est ce pas?), qui ne sont quand même pas donnés. C'est d'ailleurs le seul reproche que je puisse faire à cet ouvrage : l'édition est d'une superbe qualité, mais quand même, 8 euros pour un peu plus de 100 pages, ça fait cher, moi qui suis habitué aux livres de poches (oui, j'achète de la littérature au kilo SI JE VEUX, d'abord).

Mettons de côté ces considérations bassement financières, et concentrons nous sur le contenu.
Le temps, en s'évaporant (qui donne son nom au recueil) imagine une ville située dans une vallée immergée dans ce qu'il reste du temps, dont le niveau baisse petit à petit à mesure qu'il s'évapore. Déroutant, mais intéressant. Le jour où Orson Welles a vraiment sauvé le monde est une nouvelle humoristique qui révèle les coulisses des débuts d'Hollywood à travers une théorie du complot originale. Je n'en dis pas plus sur la fin, qui est assez bien vue. Des raisons de revenir est une nouvelle à twist, racontant sur un ton mélancolique l'histoire d'un homme revenant dans la maison de son enfance après s'être séparé de sa femme. De nouveau la chute m'a beaucoup plu. Dans Le client est roi, JCD s'amuse avec les poncifs de la fantasy en les utilisant pour parodier le monde de l'entreprise. On y apprend aussi comment Peter Jackson aurait tourné Le Seigneur des Anneaux. J'ai peur d'être passé un peu à côté d'Oiseaux, une histoire ou un magicien revient dans un étrange village à moitié abandonné et qui m'a laissé de marbre. L'âge d'or du réel narre le combat entre deux IA au crépuscule de l'univers, avec des références théologiques intrigantes. Le lapin sous la pluie livre en moins de deux pages (!) un récit poignant sur la prise de conscience de notre mortalité. Finalement, Un voeu pour la fey raconte l'histoire d'un esprit de la forêt qui capture un jeune bûcheron en lui demandant un baiser d'amour contre sa liberté. Une vision fraîche et très belle, à défaut d'être particulièrement originale, de ce vieux conte protéiforme.  

Alors, c'est peut-être un peu bateau de le dire, mais JCD écrit bien. Les mots touchent juste, émouvant ou faisant sourire selon la situation. C'est d'ailleurs ce qui ressort de façon marquante de ce recueil : on passe alternativement d'ambiances mélancoliques au pastiche le plus drolatique, et l'auteur semble tout aussi à l'aise sur ces différents registres. Notons aussi que JCD ne se cantonne pas à un genre en particulier : il joue avec les cadres et leurs codes, de nouveau avec une facilité déconcertante.
Une bonne lecture, donc. Je suis impatient de découvrir d'autres ouvrages de cet auteur ; pour ceux qui sont familiers avec son oeuvre, vous auriez des conseils particuliers? Sinon, je ne pense pas prendre trop de risque en tapant dans les autres recueils de nouvelles (quand j'aurai un peu plus de sous dans ma tirelire, parce que quand même).

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