Batman Beyond: Return of the Joker - Curt Geda

jeudi 30 juin 2011
Long métrage d'animation sortit en 2000

Promis, après ce billet j'arrête de poster du Batman (pendant au moins 3 jours) (peut-être).
ROTJ (oui, j'aime les acronymes barbares), c'est un direct-to-video dans la continuité de la série Batman Beyond : même univers, même character design. C'est l'équivalent de Mystery of the Batwoman par rapport à TNBA par exemple (ça va, vous suivez?). Une sorte de super-épisode, où les réas bénéficient d'un plus gros budget et peuvent se lâcher un peu plus (quoique... voir plus bas). Du coup, on a là une prod bien léchée, avec des personnages et un décors familier mais en bonus de jolis effets 3D et des explosions à gogo.

Un clin d'oeil aux décors de BTAS?

C'est bien joli tout ça, mais si ça suffisait à faire un bon film ça se saurait. Alors, qu'est ce qu'il y a sous la carrosserie? Bon, vous vous en doutez, l'archennemi de Batman est de retour. Et... c'est tout ce qu'on peut décemment révéler sans risquer de spoiler. Ben oui, parce que c'est un film à twist, alors forcément... Sachez simplement que tout ça est expliqué et justifié, ça ne sort pas de nulle part et il ne s'agit pas simplement d'un joker "next-gen" (ce que les réalisateurs avaient bien pris soin de ne pas faire dans la série afin de lui donner une vraie âme) mais bien DU Joker, le seul et l'unique. Ce qui est doublement étrange, puisque a) il était mort et enterré b) il n'a pas pris une ride (scoop : le Joker mettait de la crème de jour, d'où son petit teint pâlot).

De touchantes retrouvailles

Ce film fait en quelque sorte le lien entre la grande époque de Bruce Wayne qu'on avait quitté à la fin de TNBA, et la série Batman Beyond. Certaines questions (une surtout) qui étaient restées en suspens jusqu'ici trouvent enfin leur réponse, et ça c'est pas mal. En fait, une bonne partie du film constitue un flashback sur l’évènement qui a justement mis fin à cette grande époque. Je n'en dis pas plus, cette séquence est particulièrement réussie et il vaut mieux avoir l'esprit vierge pour en profiter pleinement. On y trouve notamment une idée de génie et quelques scènes d'anthologie, rien de moins. Honnêtement, ça fait partie de ce que j'ai lu / vu de vraiment meilleur dans le Bat-universe, et je pèse mes mots. Petit coup de gueule vis-à-vis de la censure dont ce film a fait l'objet, puisque si dans l'ensemble elle ne touche qu'à des détails mineurs, une des scènes les plus importantes du film est complètement modifiée, et ça nuit pas mal à son intensité dramatique. Alors un conseil : essayez de mettre la main sur la version uncut, ça vaudra mieux. Il faut bien dire que c'est quand même très sombre, voire borderline pour ce qui est à la base un dessin animée pour enfants (mais je serais le dernier à m'en plaindre). Le support joue évidemment : je ne suis pas sûr qu'ils auraient pu raconter la même histoire (même en prenant en compte la censure) dans la série principale.

Difficile à rendre avec un simple screenshot, mais le jeu d'ombres et lumières dans cette scène est très réussi

Bon, une tuerie donc? Ben non, malheureusement. Parce que le film se casse un peu la gueule sur la fin, malgré quelques passages intéressants. Mais le twist ne m'a pas convaincu. Du tout. D'autant que je voyais très bien une alternative qui aurait fait un final grandiose, alors forcément quand on me balance une explication alambiquée et somme toute assez ridicule à la figure, je fais la gueule. De nouveau je suis obligé de rester assez vague, mais vous pouvez lire mon avis plus détaillé sur la fin (mais pas que) ici si vous ne craignez pas les spoilers. Si on rajoute à ça un côté très hollywoodien avec explosions à gogo et une scène de réconciliation certes touchante mais qui fait un peu plaquée, je pense qu'on peut dire que la fin est franchement ratée. Relativisons quand même un peu : elle est ratée, mais pas jusqu'à être mauvaise. C'est juste que le reste du film avait mis la barre sacrément haut, et que du coup je m'attendais à quelque chose de vraiment exceptionnel. C'est dommage, puisque ROTJ aurait vraiment pu être un chef d'oeuvre du Bat-universe, et un bon film tout court. Il n'est "que" un bon Batman. Un film bancal, inégal, et brillamment raté.

Batman Beyond

lundi 27 juin 2011
Série d'animation diffusée originellement en 1999-2001

Près de 40 ans après la grande époque, Bruce Wayne (aka Batman, pour ceux du fond qui n'auraient pas suivi) a mis son costume au placard. Trop vieux pour pouvoir se battre correctement, il rumine ses souvenirs dans le manoir Wayne, avec pour seule compagnie son chien. Comme on pouvait le deviner, sa dévotion complète et sans concession au rôle de vigilante qu'il s'est auto-imposé l'a empêché de tisser de véritables relations affectives, et même ses compagnons d'un temps (Robin, Batgirl) ont pris leurs distances avec lui. Un soir, il va croiser Terry McGinnis, un adolescent "difficile", qui lui vient en aide et va par hasard découvrir son identité secrète. Le jour où le père de Terry est assassiné, celui-ci "emprunte" le costume de Batman pour rendre justice lui-même, et après avoir fait ses preuves aux yeux de Bruce, il va devenir le nouveau Batman.

Bruce se souvient d'une époque à présent révolue

Avec de ce pitch plutôt audacieux (et qui n'est pas sans rappeler celui de TDKR, le nouveau Batman en plus), l'équipe derrière Batman TAS remet les couverts avec un nouvel univers et des nouveaux personnages. On aurait pu s'attendre au pire. Entre un Batman "jeune cool" mais quand même un peu rebelle, des thématiques plus ado (de nombreux épisodes tournent autour du lycée) et un design futuriste, il y avait de quoi donner plusieurs crises cardiaques à n'importe quel fanboy. D'autant plus qu'après le grand succès de BTAS, on les attendait au tournant. C'est en fait une grande réussite. D'abord parce que l'équipe est bien rodée, et les qualités scénaristiques et de mise en scène du duo Timm-Dini ne sont plus à prouver. Mais surtout parce qu'ils ont réussi l'exploit de créer un univers qui est à la fois indéniablement "batmanien", tout en donnant naissance à quelque chose de radicalement nouveau. Par exemple, et à quelques notables exceptions près, aucun des anciens méchants ne réapparaît dans la série (Mr Freeze et R'as al Ghul font tous deux un retour grandiose, mais c'est justifié par le fait qu'ils sont immortels, et Bane fait une sorte de cameo). De nouveaux baddies avec leur propre origin story sont développés, certes pas tous réussi (Zander et la secte Kobra ou encore Curare ne sont pas très convaincants àmha), mais dans l'ensemble plutôt intéressants (mention spéciale pour Shriek qui manipule les ondes sonores, et pour le Royal Flush Gang, dont la membre cadette vit une amourette avec Terry). Terry a lui aussi sa propre personnalité, et malgré l'ombre imposante de Bruce qui joue le rôle de mentor, on voit bien qu'il n'a pas les mêmes réactions que celui-ci, et il donne véritablement à Batman une nouvelle âme.

Le Royal Flush Gang, de gauche à droite : Ten / Melany, King, Ace, Queen, Jack

Mais comme je le disais, malgré tous ces nouveaux éléments, on a quand même l'impression d'avoir à faire à une vraie série Batman. D'abord parce que la figure de Bruce reste omniprésente. Il est là dans la plupart des épisodes, et sa relation avec Terry y tient une place importante, tout en étant parfaitement crédible. Terry est "l'agent de terrain", l'homme derrière le masque. Mais il n'a pas encore l’expérience de Bruce, et comme de toutes façons deux cerveaux en valent mieux qu'un, il est en communication permanente avec Bruce qui le conseille depuis la Batcave. Deuxième facteur qui raccroche cette série à l'univers Batman "traditionnel" : comme tout bon dessin-animé, plusieurs niveaux de lecture sont possibles. Le néophyte prendra beaucoup de plaisir à regarder cette série, mais le fan de Batman encore plus, puisqu'il ne pourra pas s'empêcher de noter des clins d'oeil réguliers à BTAS (un exemple qui n'est pas des plus subtils). On notera par exemple que Barbara Gordon a pris la place de son père en tant que commissaire de Gotham, et on sent bien que les relations distantes qu'elle entretient avec Bruce cachent un conflit jamais vraiment digéré entre ces deux personnages.

La relation Bruce / Terry, pas toujours au beau fixe

Les thématiques abordées sont un peu plus tournées vers la SF, et ça n'est évidemment pas pour me déplaire. Philip K. Dick y sera même expressément mentionné! L'ensemble est évidemment inégal (voir plus bas pour ma sélection personnelle), mais certains épisodes sont vraiment bluffants. Comme c'était déjà le cas pour BTAS, je suis absolument ébahit devant la capacité des créateurs de la série à insuffler une véritable portée dramatique à leurs histoires, le tout en 20 minutes (40 pour les double épisodes, mais ça reste et de loin inférieur à un long métrage). Quelques traits d'humour viennent également parsemer la série, pour achever de conquérir le spectateur. Le tout prouve s'il le fallait encore qu'il est possible de faire du très bon Batman tout en s'affranchissant de certains poncifs et en renouvelant radicalement l'univers. Certaines grosses productions récentes pourraient en prendre de la graine.

Coup de coeur

A titre de référence et pour ceux qui voudraient découvrir la série par ses meilleurs morceaux, voici la liste de mes épisodes préférés. Si vous avez vu la série, je serais curieux d'avoir votre avis!
Saison 1 : Rebirth (pilote, double episode), Meltdown, Heroes (pour l'hommage aux 4 fantastiques), Dead Man's Hand, Shriek, Disappearing Ink
Saison 2 : Earth Mover, Lost Soul, Once Burned, Hooked Up, Babel, Eyewitness, Sneak Peak
Saison 3 : King’s Ransom, Out of the Past, Speak No Evil

Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? / Blade Runner - Philip K. Dick

samedi 25 juin 2011
Roman de Philip K. Dick écrit en 1966, ici l'édition poche chez J'ai Lu

Bien que Blade Runner fasse partie de mes films préférés, je n'avais encore jamais lu le livre dont il a été tiré. L'erreur est maintenant réparée, et c'est logiquement par l'oeuvre originale que j’inaugure ma participation au challenge Blade Runner, la totale.

Plantons le décor : une ville post-apocalyptique, à moitié dévastée suite à une guerre nucléaire mentionnée à mi-mot et dont les retombées ont tués la plupart des animaux et fait muter certains êtres humains, dit "spéciaux". A l'exception de ceux-ci pour lesquels l'exil est interdit, la plupart des habitants ont décidé d'émigrer vers des colonies spatiales plus hospitalières. Ils sont assistés dans cette tâche par des androïdes (les "réplicants"), dont certains semblent souffrir d'un dysfonctionnement (mais ne s'agit-il pas plutôt d'un éveil de la conscience?) puisqu'ils prennent la fuite pour revenir illégalement sur Terre. Le personnage principal, Rick Deckard, est justement un chasseur d'androïdes (un blade runner), chargé de les retrouver et de les "réformer" (l'emploi du terme "tuer" est exclu, puisqu'il est censé s'agir de simples machines). Son souhait le plus cher est d'accumuler suffisamment d'argent grâce aux primes qu'il reçoit à chaque androïde retiré de la circulation, pour enfin s'acheter un vrai mouton pour remplacer son mouton électrique. Oui, vous avez bien lu, un mouton. Les animaux étant particulièrement rares, ils sont devenus un bien précieux, et une source de fierté pour tous ceux qui en possèdent un. Par ailleurs, l'empathie étant ce qui distingue l'homme du réplicant, cela permet de se raccrocher à sa condition, et éviter par la même occasion qu'un blade runner vous prenne par mégarde pour un réplicant.

Comme vous pouvez le déduire de ce petit résumé, l'histoire aborde la thématique devenue ultra-classique en SF de ce qui distingue l'être humain du robot / androïde. La frontière est ici particulièrement floue, puisque les réplicants affichent en apparence toutes les caractéristiques des êtres humains, et seul un test d'empathie poussé (et régulièrement mis à jour au fur et à mesure que ceux-ci s’adaptent) permet de les identifier. Là où le récit fait mouche, c'est que les androïdes apparaissent régulièrement plus "humains" que les hommes eux-mêmes. J'en tiens pour preuve la façon dont Deckard tue avec un sang-froid implacable les réplicants, ou encore la marginalisation des "spéciaux" qui sont traités comme des moins-que-rien. L'orgue d'humeur, appareil permettant aux hommes de se programmer artificiellement une certaine humeur ou un état d'esprit, est une jolie trouvaille, qui participe également à cette "machinisation" des hommes. Comme souvent dans les histoires de Dick, il y a de délicieux passages où la réalité se brouille, et où sont remises en question les certitudes des personnages et celles du lecteur par la même occasion. Les réplicants sont surpris d'apprendre qu'ils ne sont pas humains, et les humains se demandent parfois s'ils ne sont pas au final que de vulgaires machines.

Seul petit bémol, l'espèce de trip religieux sur le Mercerisme qui sort un peu de nulle part je trouve et auquel je n'ai en tous cas pas vraiment accroché. Heureusement ça reste un aspect au final assez mineur de l'histoire, et ça ne m'a absolument pas gâché mon plaisir de lecture. Bien que connaissant déjà plus ou moins sa trame et les thématiques qu'il aborde (quel amateur de SF n'en a pas au moins entendu parler?), ce livre a tout de même réussi à me surprendre, et à me toucher. Une très belle découverte donc.

Lu dans le cadre du challenge Blade Runner, la totale

Lu dans le cadre du challenge fins du monde

CITRIQ

Batman: Mad Love and Other Stories - Paul Dini & Bruce Timm

jeudi 23 juin 2011
Comic book publié par DC Comics en 2009

J'ai déjà eu l'occasion de professer ici mon profond amour pour le DC Animated Universe (en particulier Batman The Animated Series, aka BTAS), et autant vous prévenir que vous n'avez pas fini d'en entendre parler (je viens de revoir tout Batman Beyond, la chronique arrive!). Derrière ces chefs-d'oeuvre du dessin animé (oui oui n'ayons pas peur des mots) se cachent deux compères qui sont maintenant reconnus comme des références parmi les auteurs du dark knight : Paul Dini et Bruce Timm. Ce que l'on ne sait pas forcément par contre, c'est qu'en plus d'y avoir puisé leur inspiration, ceux-ci se sont aussi frottés à l'écriture de comics. Le présent ouvrage rassemble l'histoire qui donne son nom au recueil, publiée pour la première fois en 1994, et quelques autres short stories écrites par l'un ou les deux auteurs.

Ne tournons pas autour du pot et commençons tout de suite par le principal, voire le seul, intérêt de l'ouvrage : Mad Love. Cette histoire est l'origin story du personnage d'Harley Quinn, créé deux ans plus tôt par les mêmes auteurs pour BTAS, et qui a connu le succès que l'on sait puisqu'elle a aujourd'hui été intégrée au canon DC de la clique des méchants de Batman. L'histoire en question a plus tard été adaptée en dessin animée dans la série The New Batman Adventures (la suite directe de BTAS), que j'avais déjà vu. Du coup, pas de surprise, mais une relecture détaillée du matériel original.

Comme son nom le suggère, l'histoire raconte la façon dont Harley est tombée éperdument amoureuse du Joker, une passion si puissante et aveugle qu'elle a transformée une psychologue sérieuse en le sidekick du plus grand criminel de Gotham. Une relation à sens unique va se développer, le Joker profitant de la dévotion d'Harley pour la manipuler à son avantage. Dans l'esprit malade et égocentrique du clown tueur, il n'y a guère de place pour autrui. Et c'est bien ce qui rend ce couple pathétique (au sens premier du terme) mais aussi si intéressant, et en fait un très bon ressort dramatique. On alterne entre la sympathie pour le personnage d'Harley qui s'enferme dans cette relation impossible, et le rire face au côté franchement ridicule de la situation. Du coup, si Batman est ici bien présent, il est en retrait par rapport à ces deux personnages. Ça n'est pas tout à fait nouveau (The Killing Joke donnait déjà la part belle au Joker par exemple), mais c'est suffisamment rare pour être salué, et j'aimerais voir plus souvent des personnages secondaires être mis sous les feus de la rampe.

Harley s'imagine déjà passer le reste de sa vie aux côtés du Joker

Je dois dire que le côté très cartoonesque et les couleurs criardes m'ont un peu décontenancés au départ, le trait de Timm étant moins fin que dans BTAS et ayant (il faut bien le dire) prit un petit coup de vieux. Mais au final, ça colle assez bien au personnage loufoque de Harley, et si le dessin n'est pas particulièrement beau, il est en revanche très expressif. Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir vu son adaptation à l'écran précédemment, mais je trouve que les auteurs arrivent à insuffler un vrai rythme au fil des cases, en capturant les poses et les mouvements clefs, à la façon d'un storyboard. Un exemple parmi d'autres :

Joker cherche des idées pour un nouveau plan

Par rapport à son adaptation à l'écran (ce dont je m'en souviens en tous cas, puisque je ne l'ai pas revue récemment), la narration est plus libre puisqu'il y est par exemple plus facile de faire des digressions sur les pensées des personnages ou des pages pleines pour les scènes clefs. Le ton y est aussi plus relâché mais reste assez soft, le but ici n'étant pas de faire dans la surenchère de sexe et de violence, ni même dans le franchement noir, ce qui tranche plaisamment avec la tendance actuelle des productions sur Batman. A part ces quelques détails l'adaptation est extrêmement fidèle (et tout aussi excellente). Du coup à chaque fois que je lisais une réplique je ne pouvais m'empêcher d'entendre les voix de Mark Hammill et d'Arleen Sorkin résonner dans ma tête, et je me rends compte à quel point ils ont réussi à incarner ces personnages. Par contre, je précise qu'il n'est ni nécessaire d'avoir vu la série pour apprécier l'histoire, ni même d'être particulièrement familier avec l'univers de Batman : puisque c'est une origin story justement, on part de zéro et le récit se suffit très bien à lui même.

Harley comme vous ne l'avez jamais vue!

Vous l'aurez compris, j'ai été complètement séduit par cette histoire qui met sur le devant de la scène et donne une très bonne origin story à un personnage trop souvent cantonné à un rôle secondaire ou à celui du comic relief. La dimension comique est bien là, mais n'éclipse pas pour autant la portée dramatique de l'histoire, et hisse à mes yeux Mad Love parmi les toutes meilleures histoires de Batman (aux côtés de The Killing Joke et Year One par exemple).

Je ne vais pas m'étendre sur le reste du recueil, qui est clairement un niveau en dessous. Il faut dire que placer ces histoires juste après Mad Love rend la comparaison inévitable, et ne leur est pas flatteuse. La plupart sont bien trop courtes pour développer une véritable intrigue et capter l'attention, et sont globalement assez médiocres. Seules "Puppet Show" de Dini et "Two of a kind" de Timm s'élèvent un peu au dessus du reste. Dans la première, Ventriloquist sort de prison supposément soigné de sa schizophrénie. Il a trouvé un travail dans un spectacle de marionnettes où il anime une grenouille de façon tout à fait innocente. Un élément perturbateur va évidemment survenir et faire resurgir Scarface. Classique, mais efficace. La seconde est assez similaire, puisqu'il s'agit de Two Face qui sort lui aussi de prison soigné, une chirurgienne de talent ayant réussi à lui reconstituer le visage. Ils tombent amoureux l'un de l'autre et vivent une idylle aussi intense que brève. En effet, la chirurgienne a une soeur jumelle qui va s'introduire dans leur vie et faire resurgir la dualité chez Harvey Dent, jusqu'à une scène finale plutôt réussite. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais sympathique. Mais on ne s'y trompera pas c'est bien sûr Mad Love qui représente (et de loin) l'intérêt majeur de l'ouvrage. Notons pour finir qu'il a été récompensée du Eisner Award (le plus grand prix américain pour les comic books) 1994 du meilleur épisode / histoire, et que c'est amplement mérité.

Et un petit extra pour ceux qui s'intéressent au personnage de Harley (tiré de la série TNBA) :

Le chat du rabbin (Joann Sfar & Antoine Delesvaux)

mardi 21 juin 2011
Film d'animation sortit en juin 2011

Joan Sfar, avant de se lancer dans le monde du cinéma avec Gainsbourg, vie héroïque, c'était et ça reste avant tout une figure de proue de la BD "indé" francophone. C'est un auteur prolifique au style immédiatement reconnaissable (tant d'un point de vue graphique que scénaristique), et même si j'avoue ne pas être un inconditionnel de toute sa production (assez inégale àmha et parfois un peu trop arty à mon goût), on lui doit quelques chefs-d'oeuvres de la BD moderne, à commencer par la génialissime série Donjon qu'il co-scénarise avec Lewis Trondheim. Pour son deuxième film, il a décidé d'adapter son oeuvre pour laquelle il est sans doute le plus connu, Le chat du rabbin.

Zlabya et son chat

De quoi ça parle? Le rabbin Sfar (ça n'est évidemment pas innocent, le récit étant en partie autobiographique) habite à Alger en compagnie de sa fille Zlabya et de son chat. Le jour où celui-ci avale un perroquet, il se met subitement à parler. Cela ne va pas être sans causer d'ennuis, car il se révèle particulièrement impertinent, ce qui amène le rabbin à l'éloigner de sa fille sur lequel il exerce une mauvaise influence, et décide de lui enseigner la Torah. Vous l'aurez compris, derrière cette histoire rocambolesque et fantaisiste, c'est une exploration du judaïsme et de la culture d'Alger dans laquelle va nous amener ce film. Mais plutôt que de se centrer de façon nombriliste sur ce thème comme on aurait pu le craindre, le récit multiplie les rencontres, parfois conflictuelles et souvent drôles, avec d'autres cultures, et d'autres façons de penser. Le rabbin va par exemple se retrouver à voyager avec un ex-russe blanc bourré aux as qui n'aime rien de plus que se saouler et provoquer les gens en duel. Du coup, même pour un ignare comme moi qui ne connait que très mal cette culture, ça reste abordable et tout à fait appréciable. Le thème des conflits de religion et des relations inter-culturelles est bien sûr universel, et on s'attache sans mal à chacun de ces personnages hauts en couleur. Je salue au passage la performance de François Morel et Maurice Bénichou, dont les voix incarnent à la perfection leur personnage (respectivement, le chat et le rabbin). Côté graphique, ça rappelle la BD mais avec un trait plus soigné et précis. Les puristes crieront au scandale, moi j'ai trouvé ça plutôt sympa, même si j'ai été un peu décontenancé par le changement apporté dans la dernière partie.

Le rabbin Sfar part méditer sur la tombe de son ancêtre

Au final donc, j'ai passé un très bon moment avec ce film, qui a réussi à la fois à me toucher et à me faire rire (la brève apparition de Tintin est tordante par exemple). C'est une adaptation fidèle d'une très bonne BD, et je dois dire que je l'ai même préférée à celle-ci, qui traînait un peu en longueur et m'avait moins convaincu sur la fin (elle aurait gagnée àmha à être réduite à 3 tomes). Le trailer :

Bifrost n°62

vendredi 17 juin 2011
Revue trimestrielle publié par les éditions Le Bélial'


Et c'est repartit! Pfiou, va y'en avoir du boulot dans les semaines à venir, pas mal de chroniques à rattraper. Commençons en douceur par le dernier numéro de Bifrost, le premier pour ma part, puisque j'avoue ne jamais avoir été très porté sur les revues. Je n'ai déjà pas le temps de lire tous les livres que je voudrais, alors bon... De manière générale, j'ai un peu l'impression que le rôle clé pour le fandom qu'elles ont pu jouer par le passé (en SF et ailleurs) est aujourd'hui en grande partie remplacé par les communautés en ligne, qui ont l'avantage d'une plus grande interactivité et de la gratuité (au prix de contenus plus divers et parfois moins pertinents, il est vrai). Bref, là n'est pas le sujet. J'ai plutôt bien aimé ce numéro de Bifrost, même si je ne suis pas sûr de renouveler l’expérience (pour les raisons suscités et qui n'ont rien à voir avec la qualité de la revue), ça dépendra surement des prochains dossiers thématiques.

On commence par Kilimandjaro de Mike Resnick (auteur dont j'ignorais jusqu'au nom), une grosse nouvelle (presque une novella en fait) qui s'inscrit apparemment dans le même univers qu'un de ses romans les plus reconnus. On a ici une histoire très naïve sur le genèse d'une utopie africaine, et de façon plus générale une réflexion sur la construction d'une société. A travers les yeux d'un historien auquel on va faire appel pour résoudre toute une série de problèmes, on se rend compte que le "vivre-ensemble" n'a rien d'évident, et doit se réinventer en permanence. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, que certains pourront taxer d'angélisme et de simplisme, mais c'est justement cette candeur qui en fait toute sa saveur à mes yeux, jusqu'à la chute, attendue mais néanmoins réussie. Une très belle découverte.
Vient ensuite une autre nouvelle, beaucoup plus courte cette fois, Nous sommes les violeurs de Thomas Day. J'avoue ne pas avoir été très convaincu par celle-ci. C'est certainement bien écrit, ça prend au tripes, mais je n'ai pas vu où tout cela voulait en venir, et j'ai trouvé l'exercice au final assez pointless.

Côté critiques, j'apprécie le ton général et le franc-parler des chroniqueurs, ce qui est plutôt rafraîchissant par rapport aux habitudes parfois trop consensuelles du microcosme de l'édition SF francophone. Quelques bouquins m'ont tapés dans l'oeil, en particulier Rosée de Feu de Xavier Mauméjean, Grendel de John Gardner, Planète à Louer de Yoss, et Blade Runner (a movie) de William S. Burroughs. Bon, j'avoue que je les avais déjà repérés, mais ça confirme mon sentiment : je vais devoir acquérir tout ça au plus vite. Côté revues comme je l'ai dit je ne suis pas très porté sur la chose donc je pense passer mon tour, mais le numéro de Galaxies consacré à la SF russe m'a quand même paru intéressant. Pareil pour les beaux livres même si là encore un ouvrage m'attire (Hugo Gernsback - An Amazing Story) mais bon, je ne suis (malheureusement) pas Crésus.

Vient ensuite une longue et très complète interview de Jacques Goimard, qui avait été réalisée il y a trois ans. En bon ignare que je suis j'ignorais tout de ce personnage qui semble avoir pourtant marqué l'histoire (au moins éditoriale) de la SF française. J'ai failli laisser tomber après deux pages où il revient en long et en large sur sa petite enfance et qui, il faut bien le dire, n'a je pense qu'assez peu d'intérêt à moins d'avoir une grande passion pour le monsieur. J'ai finalement décidé de lire la suite en vue de ce billet, et j'ai eu raison. Goimard était particulièrement bien infiltré dans le milieu éditorial de la SF française de la deuxième moitié du XXè, et à travers sa vie professionnelle c'est un aperçu d'insider sur une époque passionnante qu'il nous livre là. Un brin orgueilleux, au franc-parler certain et n'ayant plus rien à perdre (il a aujourd'hui pris sa retraite, en raison de problèmes de santé), il n'hésite pas à balancer sur ses petits copains d'alors. Intéressant, donc, même pour un ignare en la matière comme moi.

On termine par un article de vulgarisation scientifique que j'avoue avoir lu en diagonale, et une rubrique "bric à brac" intéressante mais n'apportant rien de bien nouveau pour qui suit un peu l'actualité du milieu de la SF en ligne.

Une bonne lecture au final, et  je me laisserai peut-être tenter malgré tout par le prochain numéro, si mon emploi du temps et mes finances le permettent.

CITRIQ