L'Incal, l'intégrale - Alejandro Jodorowsky & Moebius

lundi 7 mars 2011
Série BD parue originellement entre 1981 et 1988 chez les Humanos, ici l'édition intégrale de 2010

Tout d'abord, une petite note d'ordre général sur la forme. Après avoir laissé tomber le système de notes que j'avais vu chez la plupart de mes collègues blogueurs et qui me semblait au départ nécessaire, mais qui au final m'embêtait plus qu'autre chose, je m'essaye à une structure plus "libre" pour mes billets. Comprenez : exit l'extrait, le résumé et tutti quanti (je garde juste la couv' en en-tête). Je ne sais pas encore si je vais continuer comme ça ou si je reviendrais dans le droit chemin après mon errance chaotique, on verra bien. Et puis au fond on s'en fout, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse, n'est ce pas?


Attention, ce billet peut contenir des propos choquants pour les admirateurs de Moebius et/ou Jodorowsky. Prière de les écarter de l'écran. Soyons clair d'entrée de jeu : ça faisait longtemps que je n'avais pas prit aussi longtemps pour lire une BD, ni que je ne m'étais autant ennuyé (l'un expliquant peut-être l'autre). En même temps il faut dire que l'intégrale des 6 tomes est un sacré pavé. J'ai tout lu d'un coup, et paf, indigestion. Détaillons un peu.

Ca commence pourtant bien. Le personnage principal, John Difool (JDF), est l'anti-héros par excellence : un private un peu looser, qui se retrouve mêlé à des évènements qui le dépassent, alors que lui tout ce qu'il veut c'est siroter son verre de ouiski (sic) en compagnie d'une homéopute (re-sic) (le parfait disciple de Bukowski, en fait). Certes, ça manque cruellement d'originalité, et c'est un problème sur lequel je reviendrai après. Mais ça nous rend le bonhomme plutôt sympathique et apporte une dimension humaine au récit, même si elle se retrouve diluée par la suite. JDF entre par hasard en possession d'un mystérieux artéfact, l'Incal lumière, qui semble attirer bien des convoitises.
Je triche un peu, cette image n'est pas dans le cycle d'origine


Et là, c'est le drame, comme on dirait à Groland. Ça s'emballe, ça s'embrouille, ça part dans tous les sens, on nous bassine avec un espèce de blabla mystico-cryptique qui est censé nous tenir en haleine pendant tout le récit mais qui m'a rapidement ennuyé et fait décrocher. Du coup j'ai lu le reste d'un oeil torve en me disant "bordel, c'est quand même considéré comme un classique de la BD science-fictionnesque, il doit bien y avoir une raison". Mais voilà, je ne suis pas rentré dedans. C'est surement aussi dû au côté très cliché de l'arc narratif, avec une opposition au niveau cosmique entre la force du bien et celle du mal. Là c'est pas forcément un jugement sur les qualités intrinsèques de cette BD, mais ce genre de truc me sort par les trous de nez. En essayant de conserver une certaine objectivité, je dirais qu'il faut quand même être au courant avant d'ouvrir cette BD (ça n'était pas mon cas) qu'on a à faire à de la SF très pulp. Il ne faut pas s'attendre à quelque chose d'intellectuellement ambitieux ou de profondément touchant.

L'aspect graphique rehausse le niveau de l'ensemble et est un vrai régal pour les mirettes (comme toujours avec Moebius). Les Humanos ont fait le (bon) choix de revenir aux couleurs d'origine pour cette intégrale, après diverses expériences ratées de "remasterisation". Jugez plutôt :

(vous remarquerez au passage l'habile clin d'oeil à H2G2)

Alors certes, ça a clairement prit un coup de vieux, notamment sur les couleurs justement, mais aussi au niveau des traits des visages (ça n'a jamais été le fort de Moebius) et l'aspect très rétro-futuriste de certains décors, mais ça ne m'a pas du tout gêné et j'ai même trouvé que ça a un certain charme. Il y a des planches absolument magnifiques (jaw-droping comme on dit en anglais, j'aime bien l'expression). Pour ma part, j'avoue avoir un faible pour celles mettant en perspective les personnages devant l'immensité des décors. Quelques exemples, en plus de la planche en page 2 montrée plus haut :



Au final, je reste quand même sur ma faim et cette BD aura été pour moi une grosse déception, pour l'oeuvre qu'on présente comme le chef-d'oeuvre absolu de la BD SF. A moins d'être un fan inconditionnel de space-op et de SF pulp, ou tout simplement (et de façon un peu plus compréhensible) un grand admirateur de Moebius, m'est avis qu'il y a plus intéressant à lire en BD SF.

Coup de pied


CITRIQ

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne pense pas qu'il faut prendre l'Incal au premier degré. Le scénario est joyeusement bordélique et totalement loufoque. Il y a une part de mystique, d'irrationnel et de chimérique dans l'approche de Jodo et Moebius sur cette série, il ne faut donc pas forcément chercher d'explications logiques au scénario. Ensuite, il faut replacer la lecture dans son contexte d'origine et l'Incal a été à l'époque un grand choc pour beaucoup de lecteurs et à influencé par mal d'auteurs. Enfin, il est clair que lire les 6 tomes d'un coup n'est pas forcémment la bonne approche pour apprécier cette série.

Maëlig a dit…

Oui tu as sans doute raison pour le scénario, mais je n'y ai pas cherché d'explication rationnelle lors de ma lecture, c'est juste que j'essaye de m'expliquer a posteriori pourquoi je ne suis pas rentré dedans.
Et effectivement ça n'est pas pour rien que cette oeuvre est une référence importante dans le paysage de la BD SF, mais àmha c'est le genre de truc qu'il faut connaitre sans pour autant aller "déterrer". ;)

Anonyme a dit…

Dommage que tu ne sois pas rentré dedans. Pour moi l'Incal est une série marquante, je l'ai lu il y a de nombreuses années et en relisant ton post, je me suis souvenu de plein de détails de chaque album. En fait je ne trouve pas non plus que ce soit un chef d'oeuvre absolu de la SF mais il y a vraiment plein d'idées, ça part dans tous les sens. Et je pense que c'est ce côté totalement créatif qui a inspiré pas mal d'auteurs car on peut piocher un peu ce que l'on veut dans l'Incal. Après c'est clair que le scénario est un tel bordel que pour nos cerveaux franaçais cartésiens il est difficile de trouver cela véritablement génial.

Vance a dit…

C'est aussi un peu mon avis. J'avais été fasciné par l'Incal que j'ai lu petit à petit avant de trouver l'intégrale. Plus tard je l'ai passé à un ami qui l'a trouvé vieillot et ringard. Ca m'avait étonné, mais c'est vrai que toutes les considérations mystiques délitent un peu l'intérêt purement SF du récit. Je trouve tout de même génial le côté archétypal des personnages autour de Difool et cette vision d'une humanité dégénérée.

Cachou a dit…

Je ne connais pour l'instant Moebius que par ses sympathiques, loufoques et décalées aventures de "Mr Mouche", du coup j'avais envie de le découvrir, et par cet album-là plus particulièrement (enfin, si ma bibliothèque se décide enfin d'en faire l'acquisition). Tu me refroidis un peu, mais je dois dire que les images que tu as choisies pour illustrer ton article me donnent encore terriblement envie de lire cette intégrale (la dernière en particulier).

A.C. de Haenne a dit…

J'avais découvert cette BD il y a plus de 20 ans maintenant et je crois bien que je n'avais pas compris grand-chose...

A.C.

Maëlig a dit…

@Cachou tiens je ne connais pas Monsieur Mouche, je vais essayer de feuilleter ça si j'arrive à le trouver.
Ceci dit tu ne perdras pas ton temps à lire l'Incal, ne serait-ce que pour sa valeur historique.

Marc Arman-Jouée a dit…

"Il n'y a aucune raison pour qu'une histoire soit comme une maison avec des portes pour entrer, des fenêtres (...) On peut très bien imaginer une histoire en forme d'éléphant, de champ de blé, ou de flamme d'allumette souffrée." (Moëbius en 1976)

Bon, à mon tour d'être franc et direct envers les rédacteurs de "Maison Usher" mais pas que (les commentaires d'internautes également) :

Franchement, il n'y a pas de critique plus stérile, pour rester poli, que celle qui concerne le style d'une oeuvre.

Qualifier l'incal de Moëbius et Jodorowsky de "vieillot" c'est un peu comme considérer que la photographie commence avec l'ère numérique, le cinéma avec l'image de synthèse, la BD avec le manga et que la littérature c'est juste bon pour les vieux...

Quant à chercher du rationnel dans un scénario de SF, alors là, on croit rêver!
Jodorowsky était avant tout un auteur et un cinéaste surréaliste avec une culture générale énorme avant d'être scénariste de BD, pourquoi voulez-vous que son oeuvre soit structurée et tracée au cordeau comme un jardin à la française?
(du reste le scénario est certes touffu, mais au final extrêmement cohérents. Relisez la série, vous verrez).

De même on peut ne pas apprécier - pour ne citer qu'eux - André Breton, Antonin Artaud pour la littérature; Jérôme Bosch, René Magritte ou Dali en peinture; Terry Gilian ou Félini au cinéma - ou que sais-je? - mais qui oserait remettre en question le statut de leur oeuvre au prétexte que c'est "un peu daté" et que ça part parfois "dans tout les sens"?

Je ne m'étendrai pas sur la phrase "les traits du visage, ça n'a jamais été le fort de Moëbius"... Car concernant l'immense talent graphique de Giraud-Moëbius (des centaines d'albums allant de l'illustration à différents styles SF en passant par le Lieutenant Blueberry, travail mondialement reconnu, et pas pour rien), ça me parait aussi incongru que de dire de Géricault (le peintre) que le dessin des chevaux ce n'était pas vraiment son fort...

En conclusion j'enfoncerai une porte ouverte en affirmant que es grandes oeuvres sont intemporelles.
Mais c'est ce qui nous permet de rêver devant un tableau de Vinci 500 ans après, de nous émouvoir à la lecture de l'Iliade presque trois millénaires après son écriture ou encore de voir son rythme cardiaque accélérer lors des scènes de mutineries du "Cuirassé Potemkine" d'Eseinstein (1925), par exemple.

On a le droit de ne pas aimez certaines de ces grandes oeuvres (tenez, moi je n'aime ni Rubens, ni Renoir en peinture et le style littéraire de Stevenson me gonfle) mais généralement, le fait de ne pas savoir sortir de son époque pour accéder à une dimension plus universelle caractérise les êtres définitivement emboutis et formatés par leur temps... Et le nôtre n'est définitivement pas très large d'esprit.

Maëlig a dit…

Desole pour l'absence d'accents, je suis sur un clavier qwerty.
Petite precision tout d'abord sur la nature de ce blog, que j'estime comme allant de soit, mais peut-etre n'est-ce pas le cas de tous. Je ne suis ni n'aspire a devenir un critique professionel, je poste uniquement ici des billets d'humeur sur mes lectures. Je ne pretends donc a aucune universalite dans mes propos, et si j'ai envie de dire qu'une lecture m'a ennuye, je ne vois pas ce qui me retiendrait de le faire. A titre personnel, je regrette que plus de blogueurs ne se confrontent pas aux monstres sacres de maniere directe, en s'affranchissant des avis bien pensants qu'on ressasse jusqu'a en oter toute substance. Ces memes avis qui pretendent regulierement (comme vous le faites dans votre commentaire) que si on n'a pas apprecie l'oeuvre c'est que decidement on n'a rien compris a rien et qu'il nous manque probablement quelques neurones (bel exemple d'argument ad hominem).
Je ne vois pas ce qu'il y aurait de sterile a propos d'une critique sur le style d'une oeuvre. C'est un facteur important dans l'appreciation de celle-ci, et le fait que le style ait pu mal vieillir (encore une fois, de mon point de vue) me semble important a souligner.
Je ne cherche pas a tout prix du rationnel dans mes lectures. Tenez, pour rester dans la BD, je suis un grand fan de toute l'oeuvre de Fred, dont la publication date en majeure partie a peu pres de la meme epoque que l'Incal (et qui a ama beaucoup mieux vieillit que celui-ci). Simplement ici, j'ai trouve l'histoire inutilement brouillonne et confuse, sans que cela soit compense par une autre forme de plaisir de lecture.

Anonyme a dit…

je pense quant à moi que la qualité d'une œuvre de SF est justement quand elle montre un tant soi peu de rationalité,plus elle flirt avec la science plus on plonge dedans.Ceci n'exclue pas de soulever des questions métaphysiques comme dans les metabarons ou les technoperes,on peux faire des parallèles culturels entre les différentes œuvres de SF:les technopères et matrix par exemples...notre imaginaire de lecteur est un outils de compréhension de la SF.N'oublions pas non plus K.Dick,dune,Asimov...c'est à nous d'imaginer des liens ou il n'y en a pas forcement,et imaginer encore,voir même croire à ses histoires.
Mais c'est peut-etre enfantin comme démarche.

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