Melancholia - Lars von Trier

mardi 23 août 2011
Film sortit en 2011

Je n'avais jamais vu de Lars von Tier avant celui-ci - j'avoue avoir été rebuté jusqu'ici par son image de cinéaste arty -, mais puisqu'il flirte avec la SF dans son dernier film, j'ai tenté le coup. Mettons les choses au clair tout de suite : la SF n'y est utilisée que comme outil scénaristique, un simple prétexte pour raconter une histoire, planter une ambiance. Elle n'influence pas vraiment le ton du film, qui relève beaucoup plus du drame intimisme à tendance onirique que d'une approche rationaliste et explicative que l'on pourrait attendre d'un tel pitch.

Est-ce un oiseau? Un avion? Non, c'est... Melancholia

Le pitch, donc (légers spoilers) : la planète Melancholia se rapproche dangereusement de la terre, mais la plupart des scientifiques pensent que la collision sera évitée. Malgré tout, les deux soeurs Justine (Kirsten Dunst) et Claire (Charlotte Gainsbourg) commencent à ressentir que ça ne sera peut-être pas le cas, et réagissent respectivement par la dépression et la panique. Le film est divisé en trois partie : une sorte de prologue constitué de scènes tournées au ralentit et extraites du reste du film, la première partie centrée sur Justine où l'on assiste à son mariage qui va tourner au fiasco, et la seconde centrée sur Claire où celle-ci va prendre soin de sa soeur qui fait une grave dépression.

Être heureux (ou faire semblant), tant qu'il est encore temps

J'ai rarement vu d'oeuvre qui traite du thème de la mort de façon aussi brutale, directe, frontale. Et c'est très réussit. Tout au long de la première partie, un sentiment de malaise s'installe, qui va se transformer en peur dans la seconde. LA peur, la première et la dernière, la seule qui importe vraiment. Le film nous met à nu devant notre rapport à la mort, notre incapacité à la concevoir et à l'accepter. Il pointe du doigt les ridicules barrières que l'on s'efforce de construire entre elle et nous, ces rituels dont le but est de sacraliser la vie ou de lui donner un sens profond. Au final, celles-ci se retrouvent balayés d'un simple revers de la main.

Le comportement de la mère, Gaby, souligne la futilité de ces rituels

Au service de ce propos, une esthétique particulière et un très bon jeu d'acteur, qui vont permettre d'installer l'ambiance lourde qui convient : ça n'était pas gagné d'avance! D'ailleurs à mon sens Charlotte Gainsbourg aurait tout autant mérité le prix de l'interprétation féminine que sa collègue Kirsten Dunst qui l'a remporté au festival de Cannes 2011, puisqu'elle joue ici son rôle de façon bouleversante, particulièrement à l'approche de la fin.

Justine sombre dans une profonde dépression

Si je suis ressortit soufflé de la salle de cinéma, c'est que la seconde partie et la fin sont vraiment très réussis. Par contre je n'ai pas du tout accroché au "prologue" que j'ai trouvé inutilement arty, voire prétentieux. Et la première partie tirait un peu trop en longueur à mon goût, et aurait pu je pense passer le relais un peu plus vite à la seconde. Tant qu'on est dans les sujets qui fâchent, un détail plus technique : je ne sais pas si c'est volontaire, mais l'image a tendance à "trembloter" tout au long du film : j'ai trouvé ça agaçant et fatiguant, même si on finit par s'y habituer. Dernière critique, plus personnelle cette fois : je regrette un peu qu'on n'ait pas vu une réaction plus forte, ou en tous cas plus notable de la part de l'enfant. Je pense que l'enfant (en général, pas celui du film) a une conscience particulièrement aiguë de la mort, et un mélange de peur/fascination vis-à-vis de celle-ci à la fois plus intense et fondamentalement différent de l'adulte. Je trouve ça un peu dommage de ne pas l'avoir montré ici.

Derniers spasmes

Ça fait pas mal de défauts, qui font de Melancholia un film que je qualifierais de bancal. Mais cela n'est pas rédhibitoire, puisqu'il a tout de même réussi à me toucher et à me mettre profondément mal à l'aise (dans le bon sens du terme), comme je l'ai rarement été devant un écran. A noter que le film m'a rappelé par son thème et son ton ma BD préférée de l'année dernière, Château de sable.

Ils en parlent : Cachou, Lune libre au dessus de Chiba

3 commentaires:

Acr0 a dit…

Je l'ai vu hier soir :) J'avoue être d'accord avec toi sur le prologue pompeux et sur la fin réussie ;) Je suis tout de même sortie avec la boule au ventre (peut-être le côté "dépression" qui m'a renvoyé à ma propre vie et à mon entourage). Le côté "tremblements" est certainement voulu pour influencer le côté "caméra au poing" ?
En tout cas, le comportement que j'aurai si cela arrivait ? Le même que Gainsbourg...

Maëlig a dit…

Un ami m'a parlé de ça http://fr.wikipedia.org/wiki/Dogme95, ce qui explique pas mal de choses effectivement.

Cachou a dit…

Moi j'ai adoré le prologue je dois dire, il m'a époustouflée visuellement.

Pour le côté tremblement, c'est effectivement dû à une caméra à l'épaule, technique prisée par les "réalistes" du cinéma comme les frères Dardenne, mais que l'on retrouve dans de nombreux films qui veulent faire "vrais" comme "Cloverfield".

Pour les réactions de l'enfant, je ne sais pas, je ne les ai pas trouvées anormales, au contraire, un gosse ne se projette pas autant dans le futur qu'une adulte, et panique du coup moins pour des "catastrophes" qui se déroulent en dehors de sa cellule familiale et/ou qui n'impliquent pas des personnes auxquelles il peut s'identifier.

Bref, les défauts qui t'ont dérangé sont passés pour moi (à part la caméra à l'épaule à laquelle j'ai eu du mal à m'adapter).

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