série BD complète parue entre 1992 et 2002 chez Delcourt |
Je me suis fait avoir comme une vulgaire poiscaille. Ah, ils sont malins ces marketeux. Après m'avoir appâté avec le premier tome de Les enfants de Jessica, j'ai eu envie de découvrir la série originale. Alors évidemment, j'ai craqué. Et le pire, c'est que j'ai aimé ça. C'est partit pour la chronique d'un thriller politico-social de qualité.
Dans un New York de fin de millénaire où violence et corruption sont les maîtres mots, l'élection du prochain maire agite les foules. Mais derrière les caméras, une toute autre partie se joue, avec divers intérêts privés qui comptent bien s'arranger pour que leur champion termine la course en premier. Le maire sortant, un républicain corrompu, semble bien partit pour faire un second mandat. Mais ce serait oublier l'étoile montante, une certaine Jessica Ruppert. Celle-ci a consacré toute sa vie à venir en aide aux plus démunis, et les gens qui ont croisé son chemin ne sont pas prêt de l'oublier. Joshua, vétéran du Vietnam, va se retrouver un peu par hasard mêlé à des complots autour de cette élection, et c'est (principalement) à travers ses yeux que l'on va suivre l'histoire.
Vous vous en doutez, tout ça ne va pas être joli-joli. On est loin du hard boiled, mais le réalisme et le contraste avec les moments d'innocence et de bonté parsemés à travers l'histoire fait d'autant plus ressortir sa violence, tant physique que psychologique. Et pas toujours où on l'attend. Car mêmes les héros ont leur part sombre. Jusqu'où peut-on aller pour ses idées? Pour ceux qu'on aime? La fin justifie-t-elle les moyens? Autant de questions soulevées au cours du récit, et qui en font une lecture dérangeante. On aimerait pouvoir trancher, distinguer les méchants des gentils, mais comme dans la vie réelle, les choses sont souvent un peu plus compliquées.
J'ai trouvé le scénario très bien ficelé (avec quelques raccourcis ici ou là, mais rien de rédhibitoire). J'ai dévoré les cinq tomes sans m'arrêter et n'ai remarqué aucune longueur, ce qui n'était pas gagné d'avance étant donné la taille de l'oeuvre (5 x ~60 pages, tout de même) et le fait que je ne sois pas un grand amateur de thrillers en temps normal. Il y a pas mal de digressions sous la forme de flash-backs notamment mais au final ça apporte beaucoup à la narration et aide à construire des personnages intéressants et véritablement humains. L'histoire se tient bien à travers les cinq tomes, il n'y a rien de superflu ou d'éléments plaqués qui sembleraient avoir été rajoutés pour rallonger la sauce (si seulement on pouvait en dire autant de toutes les séries BD).
Côté graphique, rien d'exceptionnel. Le trait est classique voire un peu scolaire, mais au final sa sobriété et son réalisme colle assez bien à la narration. Quelque chose de trop original ou flashy l'aurait sans doute desservie. Pour la colorisation on voit bien qu'en 10 ans les techniques ont pas mal évoluées, et le premier tome fait un peu vieillot de ce côté là du coup, mais ça n'est pas particulièrement gênant pour la lecture.
Juste pour pinailler un petit peu, je dirais que sans tomber dans le sentimentalisme, la série n'échappe pas à quelques clichés. Et tant qu'on est dans les sujets qui fâchent, j'ai été un peu déçu par la fin, à la fois relativement prévisible et peu crédible àmha. Ces petits défauts font que je n'ai pas eu la claque que j'espérais, mais je ne suis pas déçu pour autant. Le pouvoir des innocents est un très bon thriller, avec une intrigue touffue et des personnages épais.
Une planche du premier et du dernier tome, pour se faire une idée |
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